La fuite de quelques 350 milliards d’euros à la vigilance de la finance offshore ne fait que creuser l’écart entre les différentes classes sociales et amplifie le sentiment d’injustice qui domine. Les journalistes d’investigation communément désignés par ICIJ ne cessent de dévoiler les différents cas de fuite de fonds et plusieurs scandales ont éclaté à la suite de leurs enquêtes. En effet, après l’affaire du Luxembourg en 2014, celle de la Suisse un an après et le Panama l’année suivante, ce sont les îles qui font la Une cette fois. Avec à la clé les îles Caïmanes, Vanuatu Malte, Jersey, Bermudes et Man. Au total 6,8 millions de documents ont été épluchés par les enquêteurs. Déjà, les enquêtes entreprises en 2016 ont révélé beaucoup de données se rapportant aux revenus du crime et à l’évasion fiscale, mais la nouvelle investigation a révélé d’autres pratiques initiées par le cabinet Appleby, spécialiste de la finance offshore, et a qui recours à des montages financiers exploitant les failles du système fiscal international pour aider les riches de ce monde à échapper aux impôts et à n’être assujettis qu’au minimum.
350 milliards de perdus pour plusieurs pays
La mondialisation a ouvert plus de marchés mais elle a enfanté aussi des fortunes qui ont bénéficié des failles fiscales à l’échelle mondiale. Une situation qui a généré des pertes importantes pour de nombreux pays avec des fuites de fonds estimées à quelques 350 milliards d’euros pour les Etats et gouvernements. Rien qu’en Union Européenne, les pertes s’élèvent à 120 milliards dont 20 milliards d’euros perdus par la France comme le signale l’économiste Gabriel Zucman.
Le dilemme demeure entier car en dénonçant de telles pratiques c’est tout un scandale qui éclate à cause justement des montages utilisés. Mais même s’ils contribuent au détournement de fonds, ils demeurent toujours dans le respect des normes fiscales et légales en vigueur. Et d’un autre côté, aucune sanction n’est appliquée et aucune démarche corrective n’est entreprise pour redresser les choses. Seulement, les enquêteurs de l’ICIJ ont la conviction que de telles investigations permettent de développer la prise de conscience générale quant au problème et aux dangers encourus par les démocraties que ce soit dans l’immédiat ou dans les années à venir.
Les communautés et les sociétés ont besoin de lois, certes pour les organiser, mais elles sont consolidées grâce à la confiance. Or cette confiance est ébranlée en constatant que des richesses et des fortunes considérables bénéficient d’exonérations importantes, sans grande considération pour l’intérêt général. Un constat décrit par les paradise papers qui révèlent régulièrement les dernières pratiques de l’optimisation fiscale et de montages financiers ! C’est une minorité qui s’enrichit en jouant sur des failles dans les systèmes fiscaux internationaux, et qui déjoue les règles de l’ouverture à une économie compétitive, qu’elle n’a de cesse de prôner à longueur de journée. Ces privilégiés constituent un clan fermé et protégé qui creuse au quotidien les disparités et les inégalités.
Un modèle économique cynique et hypocrite
Pour rompre avec l’injustice et la discrimination, il convient de mettre fin à cette situation en intervenant à deux niveaux. D’abord en agissant sur l’avidité des riches et d’autre part en activant plus le rôle des Etats. S’il est difficile d’agir sur le premier volet, parfois même le deuxième se mire dans l’inaction surtout que certains dirigeants y trouvent leur intérêt. L’un des exemples les plus imminents est celui des Etats-Unis où Donald Trump est entouré par des conseillers qui sont impliqués dans des affaires d’évasion fiscales. Et il devient évident qu’ils n’auront aucun intérêt à agir dans le sens de l’activation des dossiers se rapportant à l’évitement des impôts. Un cynisme politique qui ne sert guère l’intérêt général.
Quant à l’exemple du gouvernement de Justin Trudeau, le premier ministre a de bonnes intentions certes, mais l’un de ses amis proches et ancien trésorier du parti est un adepte de la finance offshore. D’un autre côté, dans l’hexagone, il suffit d’évoquer le risque de l’exode de fonds pour que l’impôt sur la fortune s’efface. De la complaisance, de l’hypocrisie ou du cynisme, autant de raisons qui ne permettent pas de faire face aux paradis fiscaux et à l’évasion fiscale, ce qui peut mener les démocraties à leur déchéance.