Christophe Rieder 20 sept. 2018 12:04:44

Formation continue : nouveautés et conditions pour se former tout au long de sa vie

Formation professionnelle

L’Union européenne (ci-après UE) se penche de plus en plus sur la formation continue et l’apprentissage par le travail, et en France c’est même une priorité. De nombreux débats sont lancés au sujet de la formation tout au long de la vie afin d’évoluer vers la société cognitive.

De nouvelles propositions pour dépasser les problématiques récurrentes

Au cours des trente dernières années, on a longuement évoqué la formation à vie, mais il ne s’agit pas de ressasser un ancien discours car de nouvelles idées sont débattues.

Le conseil de l’Europe, l’Unesco puis l’OCDE ont évoqué les thèmes relatifs à l’éducation permanente, et l’éducation récurrente. La priorité a été donnée à l’égalité des chances avant de rappeler les nouvelles conditions économiques et de proposer une alternative à la prolongation des études.

En France, les années 70 ont été marquées par l’ambition du pays à concilier les impératifs de formation des salariés et ceux de deuxième chance servant la promotion sociale et l’accès à la culture. Une telle idée s’accompagnait de l’espoir que la France enregistrerait une croissance économique, doublée d’un développement technologique rapide, sans aucune influence des tendances organisationnelles. Le développement des compétences doit servir celui des entreprises. Dès lors, le CIF travaillait sur la promotion sociale en misant sur une formation longue à l’initiative individuelle.

On peut imaginer que les initiatives proposées par l’UE ne sont qu’une reprise d’une idée anciennement suggérée mais sans être appliquée sur le terrain. Mais il faut dire que la perspective est totalement différente conformément à ce qui était proposé dans le Livre Blanc.

Les idées proposées

Les idées sont axées sur trois éléments-clés à savoir la société de l’information, la globalisation et la flexibilité. L’accès au savoir et à la formation a grandement évolué grâce aux nouvelles technologies de l’information. Ces avancées technologiques doivent être maîtrisées pour pouvoir les utiliser au quotidien car il faut bien convenir qu’on ne peut résister à l’avènement d’un nouveau paradigme technologique. Ces avancées chamboulent le monde de l’apprentissage et de la formation avec l’apparition de l’auto-apprentissage, la formation en ligne, les discussions et les échanges sur les réseaux sociaux, etc. C’est une transition des modèles classiques de l’enseignement vers de nouveaux basés sur les technologies de l’information.

Dans un contexte de globalisation fortement compétitif, l’Europe n’a d’autres choix que d’investir dans la production à haute valeur ajoutée. Chose qui nécessite d’élever le niveau des qualifications et des performances. Il faut avouer que l’école présente de nombreuses limites avec les moyens qui manquent, l’exclusion d’un certain nombre de catégories, son incapacité à s’adapter rapidement aux changements qui s’opèrent, etc. d’où la nécessité de se tourner plus vers l’acquisition du savoir par le biais des nouvelles technologies.

Les marchés du travail en Europe doivent faire preuve de plus de flexibilité et d’adaptabilité. La position stable et le travail sur une longue durée seront rapidement dépassés. Car les besoins du marché évoluent plus vers des formes plus souples comme l’auto-emploi et le travail à distance ce qui oblige l’individu à l’adaptabilité et la mise à niveau permanente de ses acquis et de ses qualifications.

Actuellement de nouveaux débats sont lancés au sujet de l’éducation et de la formation, qui tournent autour de l’accréditation individuelle et du portefeuille de compétences. Ceci dit, la principale préoccupation porte sur l’instabilité de l’environnement socio-économique avec en plus une dissociation du potentiel de la formation et du statut salarial. S’ajoutent à cette problématique le besoin de l’épanouissement culturel et la nécessité d’adopter des modes formalisés de transmission-acquisition des savoirs avec une évolution des espaces d’apprentissage dans le travail, en famille et en société de façon globale.

La France a toujours cherché à placer la formation comme locomotive de la promotion sociale. Un idéal qui s’est manifesté clairement dans les années 60. La scolarité initiale a évolué graduellement de 14 à 16 ans et le gouvernement français, ressentant un réel besoin en techniciens, a proposé le programme dit « deuxième chance ». Ce plan permet aux personnes n’ayant pas eu accès aux études initiales de s’y inscrire. Ce concept se base sur l’égalité et la libération par la formation, ce qui permet de réduire les inégalités initiales d’accès. L’Etat français s’engage donc à investir pour assurer le rattrapage éducatif et faire de la formation un levier de la promotion sociale.

D’un autre côté ce programme permet de définir avec précision les différents niveaux hiérarchiques tout en offrant la possibilité d’avancement d’un poste d’ouvrier par exemple vers une position supérieure jusqu’à atteindre celle d’ingénieur. De sérieuses chances sont offertes à cause de la pénurie en techniciens spécialisés. Et grâce à ce programme de formation, on peut assurer à un salarié une mobilité professionnelle ascendante, mettant à profit les années d’expérience et le savoir cumulés et qui sont complétés par la formation.

La promotion sociale en France est un parcours du combattant, se basant sur un cursus d’apprentissage long et épuisant s’étendant sur plusieurs années. Théoriquement ceci est attractif, mais en réalité seule une minorité accède à la promotion sociale et en profite. Car la formation de promotion sociale est très sélective. Le plus souvent il s’agit d’un rattrapage social, suite à un déclassement initial et non pas d’une ascension s’inscrivant dans la continuité.

Le programme de deuxième chance a servi son rôle pendant un certain moment, mais depuis il y a une forte évolution de la scolarisation et de l’accès à l’enseignement supérieur. C’est pourquoi on ressent moins d’urgence pour le plan de deuxième chance. D’après une enquête qui a été menée par Goux et Maurin, on observe une démocratisation de la scolarisation à travers le déplacement homothétique de sa structure. De ce fait les enfants et les jeunes issus de familles défavorisées accèdent à des opportunités leur donnant la possibilité de mieux se positionner dans la hiérarchie scolaire. N’empêche que les inégalités sont toujours omniprésentes, étant donné que les familles aisées maîtrisent plus les rouages et les arcanes du système éducatif. Si on ajoute le facteur de la maîtrise des nouvelles technologies de l’information, on ne peut nier la présence du risque de re-marginalisation.

Jusque-là, les pouvoirs publics à travers leurs politiques de formation continue n’ont pu résoudre ce problème de ses racines et n’ont fait que participer au recul des formations traditionnelles de promotion sociale.

La loi de 1971 a servi à orienter la formation continue vers les besoins de l’entreprise en encourageant l’apprentissage sans diplôme sur de courtes durées. C’est ce qui a incité de nombreuses personnes à suivre ce type d’enseignement qui sert justement à réduire les inégalités d’accès à l’éducation.

Mais les retombées en termes de rémunération et d’avancement professionnel restent très limitées. Le point favorable de la démarche est la stabilité des employés dans les structures où ils travaillent. L’intervention publique en France a visé plus l’insertion des jeunes et la formation des chômeurs, mais elle n’a pas servi son objectif initial à savoir la promotion sociale par le biais des formations.

Il convient de souligner quelques faits cruciaux, à commencer par la crise marquant le secteur industriel qui est censé être le plus porteur du modèle de promotion sociale. La crise affecte le recrutement ce qui influence les structures démographiques des entreprises caractérisées par le vieillissement et pas très porteuses de la promotion. D’un autre côté la mobilité professionnelle s’opère à l’horizontale d’une entreprise à une autre et elle est marquée par des phases de chômage avec peu de possibilités de promotion ascendante sur le moyen terme. Et puis les salariés mobiles n’accèdent pas assez à la formation continue.

En sus de ces constats, il faut ajouter également d’autres facteurs relatifs notamment aux mutations marquant les modes de vie sociale et professionnelle. La France a opté depuis quelques années pour la réduction des heures de travail légal. Tout laissait à croire que ce serait profitable à la formation, mais ce n’est pas le cas. En effet cette évolution attendue a été contrecarrée par la hausse du temps de déplacement en plus de l’augmentation fulgurante du taux d’activité féminin. Or de façon globale la femme dispose moins de temps libre que l’homme.

On ne peut manquer de constater que les individus en France manifestent un penchant aigu pour la formation continue sur une longue durée. Cependant cette forte demande ne répond pas aux besoins de la promotion sociale dans son sens traditionnel.

Plusieurs cours et programmes éducatifs sont proposés par les associations, les municipalités et divers organismes, qui visent la promotion sociale. D’ailleurs ces cours enregistrent une forte demande de la part des stagiaires issus de divers statuts et ayant des attentes variées. De son côté GRETA compte pas moins de 35 000 personnes qui ont rejoint les centres de formation du ministère de l’Agriculture. Les chiffres officiels recensent près de 160 000 inscriptions annuelles d’adultes qui ont repris le chemin de l’école. Un segment auquel on peut ajouter les étudiants de l’enseignement à distance puis les employés des entreprises suivant une formation longue.

Il est évident qu’il est très difficile d’évaluer et de mesurer avec précision la totalité des formations de promotion sociale. D’abord parce que les besoins et les attentes des individus suivant ces formations sont diversifiés. Certains cherchent à obtenir un diplôme, alors que d’autres visent à se reconvertir professionnellement, à accéder à un enseignement de culture, ou à développer un projet professionnel, etc. Plusieurs raisons peuvent justifier ou motiver le besoin de suivre une formation.

D’un autre côté certaines personnes cherchent à préserver la linéarité entre la formation et l’emploi, au moment où d’autres visent la reconversion sans pour autant avoir pour ambition une promotion sociale. Une autre catégorie se forme à cause de la difficulté à trouver un emploi et de ce fait la formation devient une échappatoire au chômage. Un autre groupe opte de suivre une formation dans une logique de prolongement de la formation initiale en poursuivant des études à intervalles différés.

La formation tout au long de la vie est dès lors conditionnée par des variables socioéconomiques auxquelles il faut réfléchir afin de trouver les solutions permissives facilitant sa mise en pratique.

Les opportunités et les conditions

Le marché de l’emploi et ses mécanismes influencent la combinaison travail, formation et apprentissage. Certains secteurs d’activité favorisent l’acquisition des connaissances et des compétences, de même que la certification qualité. Une analyse menée et portant sur les diverses innovations organisationnelles en Europe, a permis de ressortir avec deux processus de mise en reconnaissance. Le premier porte sur les savoirs et compétences existants mais non reconnus par les organisations du travail antérieures. Le deuxième est tourné vers les savoirs externes acquis par les individus et négligés par les organisations du travail. D’un côté les structures ont besoin de profils polyvalents et dotés d’un esprit d’initiative, et d’un autre la mise en reconnaissance permet de tenir compte des préoccupations relatives à l’apprentissage. Des préoccupations qui étaient négligées jusque-là aussi bien par la tendance à la taylorisation que par le désengagement des entreprises de leurs responsabilités formatrices.

En ce qui concerne les nouveaux espaces d’emploi, ils sont marqués par un relationnel très prononcé permettant de dénicher les talents et les compétences introuvables. Généralement les opportunités de travail proposées dans ce cadre-là sont reliées aux nouvelles technologies d’information. Chose qui favorise les exclusions dans un environnement-emploi impacté par le chômage et les sorties à des niveaux élevés de l’enseignement. Un tel contexte pousse les entreprises à recruter en externe et à chercher des solutions palliatives.

Dans une vision plus libérale, les contrats de travail sont plus flexibles et c’est le salarié qui a la charge d’assurer sa formation en permanence. Là aussi il y a le risque que la stabilité de l’emploi conditionne l’apprentissage et que la formation continue ne soit ouverte et accessible qu’à ceux qui ont bénéficié au préalable d’une formation initiale.

Les espaces d’emploi disponibles aux personnes les moins formées se caractérisent souvent par leur précarité ce qui rend l’accès à la formation formalisée plus difficile encore et entrave l’acquisition de la qualification par le travail.

Pour favoriser la formation tout au long de la vie d’une personne, il faut mettre en place des systèmes d’emploi favorables à la professionnalisation individuelle et collective. Pour commencer il faut des actions incitatives menées par le secteur public et un engagement collectif pour créer des espaces de travail privilégiant ce type de formation.

Pour ce qui est des systèmes de formation, il convient de valoriser les acquis cumulés par le système français. Avec une forte reconnaissance du droit à l’éducation et à la formation professionnelle à travers la formation initiale, mais aussi la formation continue. Il faut un compromis social autour de la loi de 1971 qui a instauré les principes de la formation continue dans la société. Comme il faut impliquer les entreprises dans les préoccupations portant sur la formation et l’enseignement.

Afin de pouvoir avancer, il devient impératif de contourner les trois principales faiblesses actuelles à savoir :

  • La déstabilisation de la formation continue par une expansion accrue de la scolarisation initiale. En effet les gens préfèrent prolonger leurs études que de devoir faire un retour ultérieur en formation.
  • Le manque de reconnaissance des acquis par le travail ou à travers les autres formes alternatives de formation.
  • La dichotomie entre la formation à assumer par l’entreprise et celle relevant d’une initiative individuelle.

En vue de dépasser ces distorsions et ces problématiques, il faut réunir trois conditions à commencer par le rééquilibrage de la formation continue entre l’initiative personnelle et celle de l’entreprise. Il est possible d’opter pour une solution à l’anglaise ou en encourageant l’initiative individuelle avec un engagement contractuel entre l’Etat et les différents partenaires. Le but est de créer de nouveaux espaces combinant le travail et la formation. Les solutions ne manquent pas comme le congé individuel de formation, le capital-temps, entre autres dispositifs.

Il est impératif d’inclure le facteur mobilité professionnelle, car généralement tout changement d’entreprise affecte la formation. Il faut éviter que la formation continue soit conditionnée par une situation de chômage ou rejetée par crainte de perte d’emploi.

Par ailleurs il faut trouver une meilleure articulation entre formation initiale et formation continue. Chacun doit avoir le droit de gérer son parcours d’apprentissage en fonction de ses besoins et de ce fait il doit pouvoir opter pour la poursuite d’études ou le retour en formation ultérieurement. Pour encourager cette initiative, il est possible de bonifier le capital-temps formation pour les personnes qui stoppent leurs parcours avant l’entrée dans l’enseignement supérieur. Comme il serait intéressant que les établissements de formation initiale facilitent la présence d’adultes, à travers la modularisation, l’option de la double année universitaire, etc.

Les dispositifs de certification doivent normaliser pédagogie et cursus de formation continue sur la base de la formation initiale. Une telle démarche facilitera la validation des acquis et l'intégration des solutions alternatives de certification, ce qui va permettre de développer les outils pédagogiques et de mettre en place de nouvelles technologies éducatives.

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Christophe Rieder

Titulaire d'un Master of Science HES-SO in Business Administration obtenu à HEG-Fribourg et du Diplôme fédéral d'Enseignant de la formation professionnelle, Christophe Rieder est le Fondateur et Directeur de l'institut de formation professionnelle en ligne BetterStudy. Christophe est aussi Maître d'enseignement en gestion d'entreprise à l'Ecole supérieure de commerce. Avant de se réorienter dans le domaine de la formation, Christophe a travaillé 4 ans dans la gestion de fortune à Genève. Pendant son temps libre, Christophe fait de la guitare et joue aux échecs, il aime aussi voyager.