Tiago Pereira Gonçalves 30 mai 2019 09:00:13

Les types de flexibilité au travail et leur intérêt

Ressources Humaines

Dans un précédent article, la question du stress et des interventions et formations pour y remédier a été abordée. Dans celui-ci, il était brièvement fait référence au conflit entre la vie familiale et la vie professionnelle.

Ce concept décrit « une forme de conflit de rôles dans lequel les pressions de rôles des domaines familiaux et professionnels sont mutuellement incompatibles à un certain degré » (Greenhaus & Beutell, 1985). Autrement dit, le travail entrave la vie de famille et/ou inversement. Il s’agit donc d’un type particulier de demandes (Bakker, Emmerik, & Van Riet, 2008).

Gérer un tel conflit est particulièrement intéressant pour gérer la santé des employés. Effectivement, pour l’individu un bon équilibre entre les deux vies est associé à un meilleur sentiment de bien-être (Fiksenbaum, 2014) ou encore niveau d’engagement (Hakanen, Peeters, & Perhoniemi, 2011).

Au niveau organisationnel, gérer cet équilibre a aussi de nombreux avantages. Par exemple, cela permet d’améliorer la satisfaction de travail (Baral & Bhargava, 2010), diminuer le taux d’absentéisme (McNall, Masuda, & Nicklin, 2009) ou encore augmenter le nombre de comportements pro-sociaux (Baral & Bhargava, 2010).

La question qui se pose alors est : quels sont les moyens qui permettent de trouver cet équilibre ? Un moyen fréquemment mentionné dans la littérature scientifique n’est autre qu’offrir davantage de flexibilité aux employés (Allen, Johnson, Kiburz, & Shockley, 2013). Effectivement, cette méthode s’est déjà montrée efficace pour diminuer le conflit des vies de travail et familiales (Allen et al., 2013; Ellen Ernst Kossek & Michel, 2011; McNall et al., 2009). Cependant, il est important de noter qu’il existe différents types de flexibilité. Or, dès qu’il existe différents types, le tout devient de choisir celui qui est le plus adapté à la situation. C’est dans cette optique que le présent article cherche principalement à se placer. Présenter diffférentes catégories de flexibilité afin d’avoir une vision globale du buffet de possibilités.


Les catégories de flexibilité

Une façon de séparer les types de flexibilité est en fonction des caractéristiques du travail. Ainsi donc, il est possible de définir quatre types de flexibilités (Ellen Ernst Kossek & Michel, 2011) :

  1. La flexibilité de temps
  2. La flexibilité géographique
  3. La flexibilité de charge
  4. La flexibilité de continuité


1. La flexibilité de temps

Dans ce cas-ci, la flexibilité se trouve dans les horaires. C’est à dire que les employés peuvent choisir des horaires de travail moins traditionnels qui peuvent mieux s’adapter à leur vie familiale (Ellen Ernst Kossek & Michel, 2011).

Remarquez l’utilisation du mot « choisir ». En effet, de manière générale, la flexibilité semblent donner de meilleurs résultats si les employés ont une certaine liberté dans la définition de leur flexibilité. Typiquement, les effets de ces interventions tendent à avoir des impacts négatifs chez les personnes rapportant peu de conflit vie familiale-travail (Hammer, Kossek, Anger, Bodner, & Zimmerman, 2011). Une possible explication peut tenir dans le fait que ces interventions paraissent injustement imposées pour ces personnes. Elles ne semblent pas justifiées.

Cela étant dit, si la flexibilité de temps est bien gérée, elle pourrait avoir des effets positifs non seulement sur l’équilibre des vies de famille et de travail (Byron, 2005), mais aussi sur la productivité (Baltes, Briggs, Huff, Wright, & Neuman, 1999) ou encore la satisfaction de travail (McGuire & Liro, 1986).


2. La flexibilité géographique

Avec le développement des technologies de communication, de nouvelles possibilités se sont ouvertes pour le monde du travail. Par exemple, celles-ci permettent de plus facilement travailler et communiquer à distance (Pérez Pérez, Martínez Sánchez, & Pilar de Luis Carnicer, 2003). Vous l’avez compris, je fais référence au télétravail. Celui-ci donne justement la possibilité aux employés de remplir certaines, voire toutes, leurs obligations de travail depuis un autre local que celui du travail. Concrètement, cela signifie que la possibilité de travailler depuis son lieu de domicile devient une réalité.

Le télétravail est aussi associé à une meilleure productivité ainsi qu’à moins d’absentéisme entre autres (Stavrou, 2005).

Néanmoins, le télétravail présente certains risques. Typiquement, celui-ci tend à rendre les frontières entre vie de famille et vie professionnelle plus floues (Heijstra & Rafnsdottir, 2010). Ainsi donc, le télétravail peut, dans certains cas, engendrer davantage de conflit de vies (Golden, Veiga, & Simsek, 2006; Green, López, Wysocki, & Kepner, 2002).

Cela dit, il existe des stratégies qui permettent de réduire ces potentiels effets négatifs. Premièrement, certaines personnes travaillant à distance souffrent d’un certain isolement social (Spilker, 2015). Par conséquent, réduire la quantité de jours passés en télétravaillant ou encore chercher plus de contacts sociaux en dehors du travail peuvent s’avérer utiles (Anderson, Kaplan, & Vega, 2015; Spilker, 2015). Deuxièmement, les superviseurs.ses peuvent aussi avoir une influence. En effet, se montrer particulièrement présent et à l’écoute peut diminuer les effets négatifs du télétravail (Spilker, 2015).

Finalement, il est également possible d’adopter des stratégies individuelles. Des exemples peuvent être de demander du temps réservé à son travail auprès de sa famille, se fixer des objectifs précis, ou encore utiliser des techniques de planification (Greer & Payne, 2014). Ou pour faire court, s’organiser à sa façon.


3. La flexibilité de charge

Dans ce cas-ci, il est surtout question de jouer sur le taux de travail. L’exemple probablement le plus commun est celui des contrats à temps partiels (Ellen Ernst Kossek & Michel, 2011). En effet, ceux-ci peuvent être un moyen intéressant de rester disponible durant certains jours précis de la semaine pour sa famille.

Un type particulier de temps partiel qui se développe n’est autre que le job sharing. Traduit littéralement, il s’agit d’un partage de travail. Concrètement, cela peut être représenté par un poste qui est traditionnellement occupé par une personne travaillant à temps plein qui, dans ce cas, est occupé par deux personnes à temps partiel (Christensen & Staines, 1990). Les tâches sont donc partagées entre les personnes. Dans certains cas, il est possible même de séparer les tâches en fonction des spécialités de chacun (Ellen E Kossek & Lee, 2005).

Pour donner un exemple, prenons le cas d’un emploi en ressources humaines. Dans ce type de secteur, il n’est pas rare de devoir déployer des compétences et connaissances diverses. Ainsi donc, dans le cadre d’un job sharing, il serait possible d’organiser le travail de telle manière qu’une personne se charge de toutes les problématiques légales alors qu’une autre personne se focalise sur tout ce qui est relatif à la comptabilité et la finance.


4. La flexibilité de continuité

Le dernier type de flexibilité concerne la continuité du travail. Des exemples de flexibilité à ce niveau seraient la possibilité de prendre une année sabbatique ou encore de réaliser un travail saisonnier ou de freelancer. Par conséquent, ce type de flexibilité offre la possibilité de créer une rupture.

De toutes les options de flexibilité vues dans cet article, ce type semble être moins systématiquement associé à un meilleur équilibre de vie (Ellen Ernst Kossek & Michel, 2011). Cependant, cela ne signifie pas pour autant que ces méthodes sont à jeter pour autant. Si l’on s’attarde sur le cas du congé sabbatique, celui-ci peut s’avérer avantageux autant pour l’organisation que l’employé. Par exemple, un employé qui revient après un congé sabbatique a généralement des chances réduites de développer un burnout ainsi que davantage de ressources (Davidson et al., 2010).


L’importance des supérieurs

Avant de mettre fin à cet article, je souhaiterais encore mentionner rapidement l’impact important que les supérieurs peuvent avoir sur l’équilibre des vies familiales et de travail. Et ce, au-delà de simplement donner la possibilité de la flexibilité.

En l’occurrence, il s’agit de présenter des comportements qui soutiennent l’équilibre des vies familiales et de travail. Pour être plus précis encore, quatre comportements particuliers se démarquent (Hammer, Kossek, Yragui, Bodner, & Hanson, 2009) :

  • Le support émotionnel : être au courant, écouter et parler aux employés sur la question de l’équilibre des vies de travail et familiales.
  • Les comportements de modèle : se montrer capable et donner de l’importance personnelle à gérer l’équilibre des vies.
  • Le support instrumental : les réactions du superviseur qui viennent directement et concrètement en aide aux employés.
  • Chercher des solutions créatives : initiatives proactives et innovantes visant à restructurer le travail pour améliorer l’efficacité des employés.

Démontrer ces quatre comportements est important car ils sont tous associés non seulement à un meilleur équilibre des vies pour les employés (Baral & Bhargava, 2010), mais aussi une meilleure satisfaction de travail générale, un plus haut niveau d’engagement ou même une meilleure performance (Odle-Dusseau, Hammer, Crain, & Bodner, 2016).

Obtenez le Certificat de Gestionnaire RH HRSE

Avec la formation en ligne de BetterStudy

Découvrir le Certificat de Gestionnaire RH


Références

Allen, T. D., Johnson, R. C., Kiburz, K. M., & Shockley, K. M. (2013). Work–Family Conflict and Flexible Work Arrangements: Deconstructing Flexibility. Personnel Psychology66(2), 345‑376. https://doi.org/10.1111/peps.12012

Anderson, A. J., Kaplan, S. A., & Vega, R. P. (2015). The impact of telework on emotional experience: When, and for whom, does telework improve daily affective well-being? European Journal of Work and Organizational Psychology,24(6), 882‑897. https://doi.org/10.1080/1359432X.2014.966086

Bakker, A. B., Emmerik, Ij. H., & Van Riet, P. (2008). How job demands, resources, and burnout predict objective performance: A constructive replication. Anxiety, stress, and coping21, 309‑324. https://doi.org/10.1080/10615800801958637

Baltes, B. B., Briggs, T. E., Huff, J. W., Wright, J. A., & Neuman, G. A. (1999). Flexible and compressed workweek schedules: A meta-analysis of their effects on work-related criteria. Journal of Applied Psychology84(4), 496. https://doi.org/10.1037/0021-9010.84.4.496

Baral, R., & Bhargava, S. (2010). Work‐family enrichment as a mediator between organizational interventions for work‐life balance and job outcomes. Journal of Managerial Psychology25(3), 274‑300. https://doi.org/10.1108/02683941011023749

Byron, K. (2005). A meta-analytic review of work–family conflict and its antecedents. Journal of Vocational Behavior67(2), 169‑198. https://doi.org/10.1016/j.jvb.2004.08.009

Christensen, K. E., & Staines, G. L. (1990). Flextime: A Viable Solution to Work/Family Conflict? Journal of Family Issues11(4), 455‑476. https://doi.org/10.1177/019251390011004007

Davidson, O. B., Eden, D., Westman, M., Cohen-Charash, Y., Hammer, L. B., Kluger, A. N., … Spector, P. E. (2010). Sabbatical leave: Who gains and how much? Journal of Applied Psychology95(5), 953‑964. http://dx.doi.org/10.1037/a0020068

Fiksenbaum, L. M. (2014). Supportive work–family environments: implications for work–family conflict and well-being. The International Journal of Human Resource Management25(5), 653‑672. https://doi.org/10.1080/09585192.2013.796314

Golden, T. D., Veiga, J. F., & Simsek, Z. (2006). Telecommuting’s differential impact on work-family conflict: Is there no place like home? Journal of Applied Psychology91(6), 1340‑1350. https://doi.org/10.1037/0021-9010.91.6.1340

Green, K. A., López, M., Wysocki, A., & Kepner, K. (2002). Diversity in the workplace: Benefits, challenges, and the required managerial tools. University of Florida,1(4), 1–3.

Greenhaus, J. H., & Beutell, N. J. (1985). Sources of Conflict Between Work and Family Roles. Academy of Management Review10(1), 76‑88. https://doi.org/10.5465/amr.1985.4277352

Greer, T. W., & Payne, S. C. (2014). Overcoming telework challenges: Outcomes of successful telework strategies. The Psychologist-Manager Journal17(2), 87‑111. http://dx.doi.org/10.1037/mgr0000014

Hakanen, J. J., Peeters, M. C. W., & Perhoniemi, R. (2011). Enrichment processes and gain spirals at work and at home: A 3-year cross-lagged panel study: Work-family enrichment processes. Journal of Occupational and Organizational Psychology84(1), 8‑30. https://doi.org/10.1111/j.2044-8325.2010.02014.x

Hammer, L. B., Kossek, E. E., Anger, W. K., Bodner, T., & Zimmerman, K. L. (2011). Clarifying work–family intervention processes: The roles of work–family conflict and family-supportive supervisor behaviors. Journal of Applied Psychology,96(1), 134‑150. https://doi.org/10.1037/a0020927

Hammer, L. B., Kossek, E. E., Yragui, N. L., Bodner, T. E., & Hanson, G. C. (2009). Development and Validation of a Multidimensional Measure of Family Supportive Supervisor Behaviors (FSSB). Journal of Management35(4), 837‑856. https://doi.org/10.1177/0149206308328510

Heijstra, T. M., & Rafnsdottir, G. L. (2010). The Internet and academics’ workload and work–family balance. The Internet and Higher Education13(3), 158‑163. https://doi.org/10.1016/j.iheduc.2010.03.004

Kossek, Ellen E, & Lee, M. D. (2005). Making flexibility work: What managers have learned about implementing reduced-load work. Alfred P. Sloan Foundation Study Technical Report.

Kossek, Ellen Ernst, & Michel, J. S. (2011). Flexible work schedules. In APA Handbooks in PsychologyAPA handbook of industrial and organizational psychology, Vol 1: Building and developing the organization(p. 535‑572). https://doi.org/10.1037/12169-017

McGuire, J. B., & Liro, J. R. (1986). Flexible Work Schedules, Work Attitudes, and Perceptions of Productivity. Public Personnel Management15(1), 65‑73. https://doi.org/10.1177/009102608601500106

McNall, L. A., Masuda, A. D., & Nicklin, J. M. (2009). Flexible Work Arrangements, Job Satisfaction, and Turnover Intentions: The Mediating Role of Work-to-Family Enrichment. The Journal of Psychology144(1), 61‑81. https://doi.org/10.1080/00223980903356073

Odle-Dusseau, H. N., Hammer, L. B., Crain, T. L., & Bodner, T. E. (2016). The influence of family-supportive supervisor training on employee job performance and attitudes: An organizational work–family intervention. Journal of Occupational Health Psychology21(3), 296‑308. https://doi.org/10.1037/a0039961

Pérez Pérez, M., Martínez Sánchez, A., & Pilar de Luis Carnicer, M. (2003). The organizational implications of human resources managers’ perception of teleworking. Personnel Review32(6), 733‑755. https://doi.org/10.1108/00483480310498693

Spilker, M. A. A. (2015). Making telework work: The effect of telecommuting intensity on employee work outcomes(ProQuest Information & Learning (US)). Consulté à l’adresse https://search.proquest.com/psycinfo/docview/1738488580/BE34A1F681A14DC2PQ/1

Stavrou, E. T. (2005). Flexible work bundles and organizational competitiveness: a cross-national study of the European work context. Journal of Organizational Behavior26(8), 923‑947. https://doi.org/10.1002/job.356

avatar

Tiago Pereira Gonçalves

Après avoir obtenu un Bachelor of Sciences (BSc) en psychologie à l’Université de Lausanne, Tiago Pereira Gonçalves a poursuivi ses études de Master en psychologie du travail et des organisations àl’Université de Neuchâtel. En plus de la psychologie, Tiago s’intéresse à de nombreux sujets tels que les voyages, le cinéma ou encore les jeux-vidéos. Intrigué par les caractéristiques qui rendent ces hobbys aussi attractifs, Tiago a pris l’habitude de se questionner sur comment prendre de telles caractéristiques et les adapter dans d’autres domaines tels que le travail ou la formation pour les rendre plus captivants. C’est cette curiosité qui l’a amené à écrire son mémoire de fin d’étude sur la Gamification et les Serious Games ainsi qu’à intégrer l’équipe de BetterStudy pour un stage de 6 mois en 2019.