Serge Ledermann expert en économie a participé dans un chat live sur letemps.ch et bcv.ch pour répondre aux questions du public.
1.Serait-il intéressant d’acheter des obligations à taux élevés ou est-ce que les marchés obligataires à haut risque sont en saturation avec du liquide ?
De nos jours, les différences entre le rendement de la dette souveraine et la dette à haut rendement deviennent de plus en plus limitées pour se situer aux alentours de 4%.
Cependant, le taux de défaut de la dette à haut rendement demeure réduit, d’où la possibilité d’opter pour la diversification de placement dans ce créneau.
2. Est-ce que l’augmentation du cours des actions suisses et américaines s’explique par la hausse des bénéfices des entreprises cotées ? Et est-ce que cette hausse est proportionnelle ou il n’y a pas de corrélation entre les deux ?
Les cours des actions sont corrélés à la variation des bénéfices des entreprises cotées, sur le long terme. Par contre à court terme, les cours sont plus influencés par les taux d’intérêt.
Lorsque ces derniers baissent fortement, il est possible d’assister à une croissance des multiples de valorisation, entrainant l’augmentation des cours plus que celle des bénéfices. Les niveaux actuels ne laissent pas présager une poursuite de l’expansion des multiples.
3. Le marché boursier se porte bien, mais quels sont les titres présentant d’intéressantes opportunités d’investissement et la possibilité de générer des bénéfices ? Est-ce qu’il faut opter pour les SMI ou les petites capitalisations ?
La bourse helvétique est impactée par les tendances qui marquent les marchés financiers internationaux. L’économie européenne a repris de l’élan, ce qui a boosté les profits des actions entrant dans le segment petites et moyennes capitalisations.
Celles-ci sont les joyaux du marché boursier, sauf que les cours actuels sont tendus et il vaut mieux patienter le temps que se présente une consolidation ou une correction pour s’y intéresser.
Pour les grandes structures, il serait plus intéressant d’attendre les changements de modèles d’entreprises spécialisées dans les nouvelles technologies.
4. Jusqu’à quel point le franc suisse représente toujours une valeur de refuge ?
Le franc suisse présente toujours des propriétés défensives, même s’il a légèrement reculé face à l’euro.
La devise helvétique est consolidée par l’économie saine du pays qui continue à générer des excédents de balance courante, confortant le statut du franc comme une valeur refuge.
5. Quel est l’impact de la fermeture des programmes de rachats d'actifs proposés par la BCE et la Fed, sur l’investisseur ?
Les banques centrales jouent un rôle du premier ordre dans la régulation de l’économie et des liquidités échangées sur les marchés.
Les investisseurs doivent prendre au sérieux le fait que la BCE et la Fed visent la normalisation progressive de leurs politiques monétaires.
Un fait qui aura une influence certaine sur les taux d’intérêt et le cycle économique, qui sont intimement liés à l’évolution des actifs dans le futur.
Jusque-là le cycle est toujours porteur et l’effet inflationniste est bien maitrisé, mais il faut s’attendre à quelques changements par la suite.
6. Est-ce que l’investissement dans l’immobilier en Suisse est toujours attractif, dans un contexte marqué par la flambée des marchés ?
L’immobilier est un bon placement pour diversifier ses actifs et générer des rendements. Les fonds immobiliers côtés en Suisse franchissent des seuils particulièrement élevés, même après l’action corrective qui a eu lieu en mois de juillet.
Ces fonds seront toujours intéressants à moyen terme en assurant un rendement de 3%.
7. En cas d’échec de la réforme fiscale proposée par le président américain, comment un tel scénario peut influencer les marchés US?
Le président américain a prévu une réforme du régime fiscal du pays et parmi les principales composantes de cette réforme il y a les réductions d’impôts.
Cependant, il faut tenir compte de l’influence des deux chambres qui ne soutiennent pas une réforme profonde avec des réductions d’impôts non financées.
Dans le cas où, aucune avancée n’est réalisée dans ce sens, il faut s’attendre à une réaction négative de la part du marché boursier américain qui va pénaliser les valeurs américaines.
8. Est-ce qu’il est possible que l’investissement dans Forex se substitue aux placements dans les actions ou obligations ? Et si c’est le cas, quelles sont les devises sur lesquelles, il faut se focaliser ?
Au moment où, un investisseur fasse un investissement dans des actions ou obligations hors sa monnaie de base il encourt un risque en devises. Il serait difficile de faire un investissement dans les parités de change seulement.
D’ailleurs, ils sont peu nombreux les experts qui peuvent réaliser une rentabilité systématique avec de tels placements. Il est donc peu recommandé de substituer les placements classiques avec du Forex.
9. En détenant un portefeuille de titres de 800 000 CHF et en pensant que pour garder la valeur au cours actuel, il serait pertinent de le réaliser et de conserver le résultat des ventes sur un compte d'épargne? A ce propos, le coût du mandat est égal ou supérieur au rendement, quelle est la meilleure option ?
Ces temps-ci, les comptes épargne ne sont pas aussi rentables et parfois ils sont pénalisés par des taux négatifs. D’où l’intérêt d’opter pour la diversification de ses placements.
Les caisses de pension suisses, dont la majorité de leurs placements sont réalisés en Suisse et en devise nationale, assurent un rendement annuel moyen de 5% au cours des 5 dernières années. Dès lors on peut déduire qu’un portefeuille diversifié présentant un risque plus important que le cash, garantit des rendements qui dépassent le coût de la gestion.
10. Que faire avec de l’argent liquide ?
Avant tout investissement, l’épargnant doit évaluer s’il lui est possible d’immobilier ses fonds sur le moyen et long terme. Il doit également décider le niveau de perte qu’il serait capable d’assumer.
Une telle approche va lui permettre de sélectionner le placement le plus adapté à son profil de risque. C’est seulement à ce moment-là qu’il peut décider du type d’investissement. Et pourquoi ne pas placer des montants modérés dans des fonds de placement variés.
11. Quelles sont les zones géographiques dans le cadre de l’équity où l’investisseur est long et celles où il est short ? Et pour quelles raisons ?
Bien que délaissé par les investisseurs internationaux, le marché japonais se révèle très intéressant dans la mesure où il présente un excellent rapport perspective bénéficiaire et valorisation.
D’un autre côté, le marché européen est toujours porteur avec des valorisations favorables. Il vaut mieux jongler avec les sur ou sous-pondérations.
12. Comment estimer l’impact des décisions politiques dans les analyses ?
L’impact le plus influent sur la variation des prix des actifs financiers se rapporte à l’analyse cyclique, en gardant un œil sur les indicateurs de croissance et d’inflation.
Au moment où des décisions politiques impactent ces deux variables, il convient de les prendre en considération dans son analyse. Les risques géopolitiques discutés souvent dans les médias n’ont qu’un impact minime sur les prix des actifs financiers.
Le dernier évènement qui a eu une influence réelle remonte à la crise du Golfe qui date des années 90. Mais l’élément le plus important c’est l’évolution du cycle.
13. Est-ce que la crise politique en Espagne est susceptible de menacer la reprise économique du pays ou celle de la zone Euro ?
La reprise économique en Espagne peut être affectée par un long blocage, mais il n’est guère possible d’étendre cette situation sur la zone Euro dans le cas actuel. L’incertitude politique en Espagne est ponctuelle et le pays va pouvoir contribuer à la relance conjoncturelle de l’Europe.
14. La crise catalane a généré une baisse importante du marché boursier espagnol. Est-ce qu’il serait intéressant d’acquérir des actions espagnoles dans un tel contexte ? Et quel est le secteur le plus favorable?
Le problème catalan est source d’incertitude pour les investisseurs qui s’inquiètent quant à la dynamique économique locale. Ce qui explique les sorties des marchés financiers.
Mais cette crise est de passage et il n’y aura pas de séparation de la région du reste du pays, dès lors cette incertitude va disparaitre. La baisse des cours peut présenter une opportunité pour prendre position sur certains titres pénalisés comme ceux des grandes banques.
15. La protection offerte par un fonds mixte actions/obligations, est-ce qu’elle est meilleure qu’un portefeuille mixte d'ETF, notamment avec une chute soudaine de 10% en quelques jours?
La diversification d’un portefeuille repose sur la présence de trois familles d'actifs complémentaires à savoir les actions, les obligations et l’immobilier.
Il est possible de le composer de titres, de fonds de placement ou de fonds de placement indiciel, voire les trois à la fois. Dès lors la performance serait la même en cas d’augmentation ou de baisse.
16. Les actions se caractérisent par leur volatilité avec des pics haussiers ou baissiers consécutifs. Quelle stratégie adopter ? Faut-il acheter ou conserver les valeurs mobilières, en misant sur la valorisation des entreprises et leur potentiel de croissance ?
Avec un bon maintien du cycle économique à l’échelle internationale et son impact positif sur les profits des structures, les actions suivent une tendance haussière sur les principaux marchés.
Après une longue période de mauvaises performances, ces derniers retrouvent le niveau élevé atteint en 2017. C’est ce qui explique que les valorisations sont très couteuses mais sans verser dans l’exagération.
Il est possible de garder son portefeuille tout en générant des gains sur les positions avec une forte progression. Il devient primordial de s’appuyer sur une analyse profonde des modèles d’entreprises, surtout avec les tendances de rupture qui ont chamboulé les anciens modèles. Les champions d’hier ne le seront pas forcément dans le futur.
17. Est-ce que les politiques souples des banques centrales rendront les analyses fondamentales et graphiques inefficaces ?
Depuis 2009, les banques centrales interviennent activement sur les marchés financiers à travers l’achat massif des obligations, ce qui perturbe les analyses des investisseurs.
Les liquidités qui envahissent les marchés ont réduit significativement les écarts de performances des différentes classes d’actifs. C’est pourquoi l’analyse des flux devient aussi nécessaire que l’analyse des fondamentaux.
18. Faut-il craindre une bulle avec la hausse importante qui marque le marché boursier cette année ?
Pour évoquer une bulle, il faut qu’une grande partie des investisseurs ait des placements dans la même classe d’actifs avec un levier.
Mais de nos jours les investisseurs sont beaucoup plus prudents et c’est ce qui explique la présence de beaucoup de liquidités dans leurs portefeuilles. La hausse actuelle de la bourse ne représente pas un risque potentiel de bulle.