Tiago Pereira Gonçalves 11 mars 2019 18:27:48

Comment réagir à un feedback négatif ?

Formation professionnelle

Parfois, une personne est amenée à recevoir un retour négatif. Ce retour (feedback) peut provenir de son responsable hiérarchique, formateur, ou entraîneur sportif.  Dès lors, comment réagir à un feedback négatif?

Il y a quelques temps, nous sortions un article sur comment annoncer une mauvaise nouvelle. Mauvaise nouvelle qui peut s’exprimer sous la forme d’un feedback négatif suite à une performance en deçà de ce qui était attendu par exemple.

Aujourd’hui, il est temps de se positionner de l’autre côté de la scène et de parler de la personne qui reçoit le feedback négatif. Plus spécifiquement, il sera question de comprendre les réactions qui favorisent une bonne entente après avoir reçu un feedback négatif ainsi que l’obtention d’informations suffisantes pour éviter un nouveau feedback de ce type.

Notez que, dans ce cas-ci, il est surtout question de feedbacks relatifs à une baisse de performance. Par conséquent, les conseils qui seront donnés dans cet article seront voués essentiellement à pousser à une meilleure compréhension de la situation passée qui, à son tour, peut mener à prendre les bonnes actions de correction.


Éviter l’argumentation

Ce n’est pas un secret, les feedbacks négatifs sont moins appréciés que les positifs (Snyder & Cowles, 1979). Cela implique que les premiers sont particulièrement susceptibles d’engendrer des émotions négatives (Hu, Chen, & Tian, 2016).

Dans le cadre d’une interaction interpersonnelle, de telles émotions peuvent être spécialement ennuyeuses car elles peuvent amener à des comportements de confrontation et donc créer un conflit (Cohn, Zeichner, & Seibert, 2008). Dans d’autres cas, des émotions négatives peuvent amener à de la passivité (Ben-Artzi & Mikulincer, 1996). Pour rappel, l’objectif à moyen terme est de corriger une performance ou comportement jugé insatisfaisant. Par conséquent, une attitude portée sur l’action serait préférable. Or, c’est justement de l’inactivité ou de l’activité contre-productive qui pourrait être provoquée suite à des émotions négatives.

Dans le cas d’un conflit, la situation devient particulièrement difficile si une escalade conflictuelle se produit (Yasmi, Schanz, & Salim, 2006). Par escalade, on entend que les deux parties du conflit se braquent de plus en plus dans leurs positions, laissant ainsi moins de place à une discussion constructive.

C’est pour ces raisons que le premier conseil est simplement de rester calme et d’éviter l’argumentation (Law, Foster, & Packard, 2006).

Dans le cas où une escalade se produirait effectivement, cela ne signifie pas pour autant que tout espoir est perdu. En effet, diverses techniques existent pour diffuser une telle situation. Un exemple consiste simplement en affirmant explicitement qu’un conflit est en train de se créer et de proposer de calmer la situation (Jit, Sharma, & Kawatra, 2016).

De manière générale, il est également possible de diminuer l’impact des émotions négatives en faisant preuve de réévaluation cognitive (Fladung, Baron, Gunst, & Kiefer, 2010). En quelques mots, la réévaluation cognitive consiste simplement à changer ses émotions en altérant sa façon de penser (McRae, Ciesielski, & Gross, 2012). Par exemple, cela peut signifier voir la situation du feedback négatif comme une opportunité d’apprentissage et d’amélioration plutôt que comme une fatalité (Hu et al., 2016; Zingoni, 2017). Notez, au passage, que les réévaluations cognitives qui visent à augmenter le nombre d’émotions positives tendent à être plus efficaces que celles qui visent à diminuer le nombre d’émotions négatives (McRae et al., 2012).

De telles pensées pourraient sembler triviales, cependant elles ont un réel effet non seulement sur la diminution des affects négatifs, mais aussi sur l’augmentation de l’émotion positive dans le futur et même sur la performance (Fladung et al., 2010; McFarland & Buehler, 1997).


Écouter attentivement

Allant dans le même sens que la section précédente, s’il faut éviter l’argumentation, il est préférable de privilégier l’écoute attentive.

Celle-ci se veut particulièrement utile dans les relations interpersonnelles de manière générale (Rogers & Farson, 1957), mais aussi dans un contexte organisationnel (Helms & Haynes, 1992). La raison à cela tient dans le simple fait que les organisations nécessitent qu’un transfert d’information se fasse entre ses différents membres. Si ce transfert se fait correctement, alors les employés auront toutes les informations nécessaires pour réaliser au mieux les tâches qui leur sont demandées et réduire au passage des potentielles ambiguïtés de rôles par exemple (Kahn, Wolfe, Quinn, Snoek, & Rosenthal, 1964). Par conséquent, faire preuve d’écoute attentive devrait permettre d’obtenir une meilleure qualité d’information et donc faciliter l’accomplissement des objectifs visés (Rogers & Farson, 1957).

Donc, comment faire preuve d’écoute attentive ? Un aspect central à garder en tête est que les messages ont généralement deux aspects : un de contenu et un relatif à l’émotionnel (Rogers & Farson, 1957). Par conséquent, pour faire preuve d’écoute attentive, il est important de tenir compte non seulement de ce que dit explicitement la personne, mais aussi de ce qu’elle ressent. Pour rappel, donner un feedback négatif est souvent déplaisant pour le/la donneur.se du message (Ahmed & Bigelow, 1993). Reconnaître cet inconfort pourrait aider ce.tte dernier à se sentir à l’aise dans la communication et donc fournir un maximum d’informations pertinentes à l’amélioration.

Un autre aspect important tient dans la prise en considération du langage non-verbal. En effet, nous ne communiquons pas uniquement à travers les mots, mais aussi à travers des gestes, des inflexions de parole ou encore des pauses dans les phrases. Être attentif.ve à ces signaux peut permettre de mieux réaliser ce que l’autre cherche à communiquer réellement et donc favoriser le climat d’amélioration recherché (Helms & Haynes, 1992; Rogers & Farson, 1957).


Poser des questions

Toujours dans le sens d’obtenir des informations pertinentes tout en se montrant à l’écoute, l’acte de poser des questions s’avère être une stratégie particulièrement efficace (Law et al., 2006). En effet, poser des questions permet non seulement de demander directement des informations sur un aspect plus ou moins précis, mais elles sont également perçues comme un indicateur d’écoute attentive, créant ainsi un climat favorable (Helms & Haynes, 1992).

Cela dit, remarquez qu’il est également important de savoir poser les bonnes questions aux bons moments. Ainsi donc, les questions fermées (qui peuvent se répondre par « oui » ou par « non ») sont à privilégier pour obtenir des informations précises et techniques, alors que des questions ouvertes seraient plus appropriées pour explorer des solutions ou mettre l’autre à l’aise par exemple (Helms & Haynes, 1992).

Sur une perspective de long terme aussi, poser beaucoup de questions peut aussi s’avérer utile. En effet, les personnes qui posent beaucoup de questions tendent à être plus appréciées par les personnes à qui les questions ont été posées (Huang, Yeomans, Brooks, Minson, & Gino, 2017). Autrement dit, les gens, et donc les supérieurs aussi, apprécient qu’on leur pose des questions. Ainsi donc, une appréciation gonflée pourrait faciliter les interactions futures et diminuer les chances de conflits par la suite.


Établir un plan d’action

Après avoir reçu un feedback négatif, deux réactions plutôt communes sont une baisse d’engagement ou au contraire un sur-engagement dans les mêmes comportements (Lant & Hurley, 1999). De telles réactions ne sont pas forcément les plus adaptées car elles ne cherchent pas spécialement à changer quoi que ce soit. Il n’y a pas vraiment d’adaptation. Or, si la performance était en deçà des attentes, il y a fort à parier que quelque chose de différent devrait être réalisé.

C’est pour ces raisons que la dernière suggestion n’est autre que l’établissement d’un plan d’action et d’objectifs clairs.

Notez qu’il est préférable de discuter de ces plans d’action avec la personne qui fournit le feedback négatif. Effectivement, cela permet de se faire une meilleure idée des objectifs réels demandés ainsi que de trouver des moyens réalistes pour accomplir lesdits objectifs qui restent favorables pour toutes les parties concernées (Sargeant, Mann, Sinclair, Van der Vleuten, & Metsemakers, 2008).

A un niveau moins pragmatique, établir un plan d’action a également divers avantages. En effet, le simple fait de suggérer des moyens d’améliorations et d’y croire permet de diminuer significativement le nombre et l’intensité des émotions négatives (Hu et al., 2016; Sargeant et al., 2008; Zingoni, 2017). Or, comme mentionné au début de l’article, diminuer ces émotions s’avère être un avantage certain. De plus, des objectifs clairs et qui semblent difficiles sont aussi facteurs de motivation (Locke, 1996; Locke & Latham, 2002).


Conclusion

Entendre que sa performance est en deçà des attentes peut être particulièrement dur à entendre. En revanche, ce n’est pas pour autant qu’il faut baisser les bras ou se mettre sur la défensive.

En fait, il est probablement préférable d’adopter une attitude adaptative dès la réception du feedback. Par attitude adaptative, il est donc question de contrôler ses émotions négatives, de faire preuve d’écoute attentive plutôt que de confrontation et de poser autant de questions que possible pour mieux comprendre les objectifs réellement demandés et établir le plan d’action le plus approprié.

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Références

Ahmed, S. M. S., & Bigelow, B. (1993). Latency Period as Affected by News Content. Journal of Social Psychology, 133(3), 361-364. https://doi.org/10.1080/00224545.1993.9712154

Ben-Artzi, E., & Mikulincer, M. (1996). Lay theories of emotion: IV. Reactions to negative and positive emotional episodes. Imagination, Cognition and Personality, 16(1), 89-113. http://dx.doi.org/10.2190/1KFW-FPR5-VEP9-YQ61

Cohn, A. M., Zeichner, A., & Seibert, L. A. (2008). Labile affect as a risk factor for aggressive behavior in men. Psychology of Men & Masculinity, 9(1), 29-39. http://dx.doi.org/10.1037/1524-9220.9.1.29

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Huang, K., Yeomans, M., Brooks, A. W., Minson, J., & Gino, F. (2017). It doesn’t hurt to ask: Question-asking increases liking. Journal of Personality and Social Psychology, 113(3), 430-452. https://doi.org/10.1037/pspi0000097

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Tiago Pereira Gonçalves

Après avoir obtenu un Bachelor of Sciences (BSc) en psychologie à l’Université de Lausanne, Tiago Pereira Gonçalves a poursuivi ses études de Master en psychologie du travail et des organisations àl’Université de Neuchâtel. En plus de la psychologie, Tiago s’intéresse à de nombreux sujets tels que les voyages, le cinéma ou encore les jeux-vidéos. Intrigué par les caractéristiques qui rendent ces hobbys aussi attractifs, Tiago a pris l’habitude de se questionner sur comment prendre de telles caractéristiques et les adapter dans d’autres domaines tels que le travail ou la formation pour les rendre plus captivants. C’est cette curiosité qui l’a amené à écrire son mémoire de fin d’étude sur la Gamification et les Serious Games ainsi qu’à intégrer l’équipe de BetterStudy pour un stage de 6 mois en 2019.