Prof. Dr. Moez Ouni 24 janv. 2019 09:00:48

Quelles politiques économiques les pays peuvent-ils mener?

Economie

Quelles sont les différentes politiques économiques que les pays peuvent mener ? Qu'est-ce que la politique conjoncturelle pratiquée en Suisse ?

Les politiques économiques

Les défenseurs du laisser-faire, laisser-aller, proposent que le marché et son fonctionnement libre sont en mesure de réguler les situations de déséquilibre économique. Or, d’après l’expérience, le marché seul (avec ses mécanismes) est incapable d’aboutir à un équilibre ; d’où la nécessité d’une force qui oriente son fonctionnement et corrige les déviations. En effet, le fonctionnement libre du marché ne permettant pas toujours d'aboutir à une situation d'équilibre satisfaisante, l'intervention de l'Etat devient alors une nécessité absolue pour réguler l'économie à travers les politiques économiques. Pour donner une définition à la notion de politique économique, nous pouvons dire que c’est l'ensemble des moyens et des ressources mis en œuvre par les autorités d’un pays pour atteindre les objectifs fixés afin de stabiliser, de relancer ou améliorer la situation économique générale. Les objectifs d’une politique économique sont regroupés dans quatre grandes catégories :

  • La croissance économique, qui est mesurée par le taux de croissance du PIB réel, dans ce domaine, l'objectif de l'Etat est de favoriser une croissance élevée et durable. Par exemple, l’Etat peut favoriser la croissance à travers les investissements.
  • Le plein-emploi, évalué par le taux de chômage : l’Etat, par des mesures économiques appropriées, combat le chômage.
  • La stabilité des prix, mesurée par le taux d'inflation. L’Etat (ou la Banque centrale) pratique une politique économique luttant contre la hausse des prix et pour le maintien du pouvoir d'achat des agents économiques.
  • L’équilibre extérieur, mesuré par le solde de la balance des paiements. L’Etat acte pour améliorer les exportations des biens et services et modérer les importations afin d’éviter des déficits extérieurs importants.

Pour définir les objectifs de la politique économique, il est souvent fait référence au carré magique de l'économiste Nicholas Kaldor (1908-1988). Cette représentation graphique des objectifs de la politique économique résume la situation conjoncturelle d'un pays à partir de quatre indicateurs suivants : le taux de croissance du PIB, le taux de chômage, le taux d'inflation (le taux de croissance de l’indice des prix à la consommation) et le solde de la balance des transactions courantes (en pourcentage du PIB). Ces quatre indicateurs correspondent aux quatre objectifs fondamentaux des politiques économiques. La jonction des quatre points permet de montrer la situation économique idéale. Le carré est appelé magique car une telle situation d'équilibre est dans les faits quasiment impossible à atteindre. En revanche, la distance des points par rapport au carré idéal permet d'apprécier le niveau de détérioration de la situation économique ou bien l'efficacité des politiques mises en œuvre.

Nous pouvons représenter ce carré magique comme suit.

 

Les différentes politiques économiques

Les politiques économiques peuvent être des actions de court terme ou de long terme. Nous distinguons entre deux grandes catégories de politique économique :

1. Les politiques conjoncturelles

Il s'agit de gérer la situation économique à court terme soit en relançant l'activité économique lorsqu’elle connaît un ralentissement temporaire, soit en luttant contre la surchauffe si l’économie tourne à plein régime. Les instruments que l’Etat utilise sont essentiellement :

  • La politique budgétaire : il s’agit d’augmenter ou de réduire les dépenses publiques pour relancer ou freiner l'activité économique.
  • La politique fiscale : l’Etat réduit les taxes et impôts afin de relancer l’activité économique ou bien augmenter les taxes et les impôts afin de réduire l’activité économique (en cas de surchauffe).
  • La politique de l'emploi (mesures favorisant la création d'emploi et assurant des revenus aux chômeurs).
  • La politique monétaire : relancer l’activité économique par une politique monétaire expansive (encourager le crédit, baisse des taux d'intérêt, etc.), ou freiner l’économie (en cas de surchauffe et risque inflationniste) par une politique monétaire restrictive (limitation du crédit, hausse des taux d’intérêt, etc.).
2. Les politiques structurelles

Il s'agit de modifier profondément les structures économiques et sociales d’une économie (politique sectorielle, politique industrielle, etc.). Les politiques structurelles s’inscrivent dans une perspective de long terme. Le moyen pour y parvenir est l’action sur les structures économiques du pays. Le but visé est la transformation du mode de fonctionnement du système économique. Les mesures prises ou mises en action touchent les domaines les plus variés : l’éducation, la santé, l’environnement, les industries, la protection sociale, l’aménagement du territoire, l’énergie, ... Les résultats ne se font sentir qu’après le passage d’un certain temps.

En Suisse, l’article 100 de la Constitution fédérale permet à la Confédération de pratiquer une politique conjoncturelle.


Base constitutionnelle de la politique conjoncturelle de la Confédération (Constitution de la Suisse) (Art. 100 Politique conjoncturelle)

  1. La Confédération prend des mesures afin d’assurer une évolution régulière de la conjoncture et, en particulier, de prévenir et combattre le chômage et le renchérissement.
  2. Elle prend en considération le développement économique propre à chaque région. Elle collabore avec les cantons et les milieux économiques.
  3. Dans les domaines du crédit et de la monnaie, du commerce extérieur et des finances publiques, elle peut, au besoin, déroger au principe de la liberté économique.
  4. La Confédération, les cantons et les communes fixent leur politique budgétaire en prenant en considération la situation conjoncturelle.
  5. Afin de stabiliser la conjoncture, la Confédération peut temporairement prélever des suppléments ou accorder des rabais sur les impôts et les taxes relevant du droit fédéral. Les fonds prélevés doivent être gelés ; lorsque la mesure est levée, les impôts et taxes directs sont remboursés individuellement, et les impôts et taxes indirects, affectés à l’octroi de rabais ou à la création d’emplois.
  6. La Confédération peut obliger les entreprises à créer des réserves de crise ; à cette fin, elle accorde des allégements fiscaux et peut obliger les cantons à en accorder aussi. Lorsque les réserves sont libérées, les entreprises décident librement de leur emploi dans les limites des affectations prévues par la loi.

 

1. La politique budgétaire

La politique budgétaire est un outil de politique économique aux mains du pouvoir public utilisée pour atteindre différents objectifs : fonctionnement des structures de l’Etat, intervention dans le domaine économique, outil de relance économique, etc. On entend par politique budgétaire les changements apportés dans les dépenses et dans les revenus de l’Etat pour atteindre les objectifs au niveau macroéconomique. Donc, elle est l’ensemble des mesures qui ont un lien avec le budget d’une collectivité territoriale (Confédération, canton ou commune). Selon le type et le montant des recettes et des dépenses, il est possible de poursuivre divers objectifs.

La politique budgétaire et la politique fiscale (manipulation des impôts par la hausse ou la baisse) peuvent avoir des impacts sur les objectifs de croissance, d’inflation, et d’investissement. Les politiques budgétaire et fiscale sont utilisées soit comme des mesures discrétionnaires soit comme des mesures automatiques.

Une mesure budgétaire discrétionnaire nécessite un processus de mise en place (par exemple vote du parlement). Elle est utilisée de façon volontaire c’est-à-dire délibérée par l’Etat. Parfois, par ces mesures discrétionnaires, l’Etat vise le plein-emploi. Il peut soit augmenter les dépenses publiques, diminuer les impôts ou bien combiner les deux. Mais, cette politique budgétaire recourant aux mesures discrétionnaires souffre de trois inconvénients : le délai de reconnaissance (temps écoulé avant la reconnaissance de la nécessité de prendre une mesure), le délai législatif (le temps pris par le processus parlementaire pour l’adoption de la mesure) et le délai de transmission (le temps qui s’écoule pour que la mesure prise donne ses fruits).

Une mesure budgétaire automatique est une mesure intrinsèquement liée aux dépenses et recettes fiscales en rapport avec la situation économique. On peut parler de stabilisateur automatique dans ce cas. On peut dire qu’un stabilisateur automatique correspond à une dépense publique augmentant ou un impôt diminuant en cas de dégradation de l’économie. Par exemple, l’Etat peut mettre en vigueur une mesure automatique impliquant une augmentation des impôts lorsque les revenus des individus et des entreprises augmentent et inversement.

Pour savoir l’impact d’une politique budgétaire ou fiscale, nous calculons à l’aide du multiplicateur la variation du produit/revenu national suite à la variation des dépenses publiques ou de la fiscalité. On parle du multiplicateur des dépenses publiques ou du multiplicateur fiscal. Il mesure l’impact de la variation des dépenses publiques (variation de la fiscalité) sur le PIB, toutes choses égales par ailleurs (on fait l’hypothèse que toutes les autres variables économiques restent constantes).

2. La politique monétaire

La politique monétaire consiste en un ensemble de mesures que l’autorité monétaire, en général la banque centrale (en Suisse la BNS), en charge de l’appliquer, prenne pour atteindre les objectifs de stabilité des taux d’intérêts, de stabilité des taux de change et de stabilité de l’inflation. L’autorité monétaire applique une politique monétaire qui agit sur des taux d’intérêt nominaux, sur l’offre de la monnaie et sur le taux d’inflation. C’est par l’intermédiaire de la masse monétaire que l’autorité monétaire agit. Contrairement à la politique budgétaire qui nécessite l’accord du parlement, la politique monétaire échappe à cette contrainte et elle est pratiquée en toute autonomie par l’autorité monétaire.

Lorsque la banque centrale évalue qu’elle doit intervenir pour contrer une inflation élevée, elle doit agir en faisant varier la masse monétaire (offre de monnaie) en la réduisant. Elle pratique une politique monétaire dite restrictive. Dans le cas contraire, il s’agit d’une politique monétaire expansive. Pour atteindre l’objectif souhaité, la banque centrale utilise divers instruments qu’on peut regrouper en deux grandes catégories : les opérations touchant aux crédits et les opérations d’open market.

La banque centrale agit sur les crédits octroyés au système bancaire d’une économie ou bien vend et achète des titres et des devises afin de faire varier la quantité de monnaie dans l’économie. Pour pratiquer une politique restrictive (réduire l’offre de monnaie), la banque centrale réduit la quantité de monnaie par le relèvement de ses taux d’intérêt ou bien par la vente de titres (la contrepartie évidemment c’est la monnaie nationale), ou par la vente de devises. De même, si la banque centrale pratique une politique expansive (augmenter l’offre de monnaie), elle peut agir sur les taux d’intérêt pour rendre le crédit aux banques moins onéreux ou bien achète des titres (la contrepartie est la monnaie nationale).

En Suisse, la Banque nationale utilise deux types d'instruments de politique monétaire : les opérations d'open market et les facilités permanentes. Dans les facilités permanentes, c'est-à-dire la facilité intrajournalière et la facilité pour resserrements de liquidités, la BNS se contente de fixer les conditions auxquelles les banques commerciales peuvent obtenir des fonds à court terme (BNS, 2018). Les opérations d'open market comprennent entre autres les pensions de titres (les repos en abrégé), l'émission de propres titres de créance (Bons de la BNS), ainsi que l'achat et la vente de ces derniers sur le marché secondaire.

Toutefois, pour les unes comme pour les autres, les pensions de titres constituent l'instrument principal. Les pensions de titres sont des opérations dans lesquelles l'emprunteur (celui qui a besoin de liquidités) vend au comptant des titres au prêteur et s'engage simultanément à lui racheter, à une date ultérieure, une quantité équivalente de titres de la même catégorie. L'emprunteur verse un intérêt (taux des pensions de titres) pour la durée de l'opération. Sous l'angle économique, les pensions de titres sont des prêts assortis d'une couverture. La BNS peut en outre, dans le cadre des opérations d'open market, émettre ses propres titres de créance (Bons de la BNS) pour résorber des liquidités. En ce qui concerne les facilités permanentes, elles englobent la facilité intrajournalière et la facilité pour resserrements de liquidités.

En plus des instruments ordinaires, la Banque nationale dispose des instruments de politique monétaire suivants : opérations au comptant et à terme sur devises, swaps devises contre francs, mais aussi achat et vente de valeurs mobilières libellées en francs. Elle peut en outre émettre, acheter et vendre des produits dérivés sur des créances, des valeurs mobilières, des métaux précieux et des couples de monnaies.

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Prof. Dr. Moez Ouni

Diplômé en informatique de gestion de l’Université de Tunis en 1987, Moez Ouni poursuit ses études avec une Licence ès sciences économiques, option économie politique à l’Université de Neuchâtel en Suisse en 1998. Il complète son cursus avec un Master en économie et finance de l’Université de Genève en 2000. Moez Ouni a été chargé de cours d’économie politique à la Formation universitaire à distance (FUAD). Aujourd’hui, il enseigne l’économie et la gestion d’entreprise dans les hautes écoles spécialisées, tout en étant consultant et collaborateur scientifique à Eco’Diagnostic et l’Université de Neuchâtel. Il a développé ses compétences et s’est spécialisé dans les domaines de l’application de méthodes quantitatives en socio-économie, l’interaction entre l’économie et la sphère financière, et les études d’impact socio-économique. Il maîtrise l’anglais et l’arabe. Doctorat ès sciences économiques de l’Université de Neuchâtel en 2011