Christophe Rieder 8 mars 2019 09:00:12

Le harcèlement sexuel au travail : qu'en pensent les hommes ?

Ressources Humaines

Une étude entreprise par l’institut français d’opinion publique a révélé que le tiers des femmes actives en France a dû subir le harcèlement sexuel dans le milieu professionnel. L’évocation ou la dénonciation de tels comportements est considérée comme un tabou, et pourtant il y a quelques tentatives pour sensibiliser et dénoncer de tels actes, surtout depuis l’affaire Weinstein.

Une bonne partie de la gent masculine soutient les femmes dans leur combat contre le harcèlement sexuel, que ce soit dans la rue ou au travail. Il y a une réelle remise en question sur les limites à ne pas franchir et les agissements qui demeurent dans le domaine de l’acceptable et ceux qui ne le sont pas, surtout qu’il existe différentes manières de communiquer tout en préservant la dignité et la liberté des femmes.


Comprendre la notion du harcèlement sexuel

D’après la psychanalyste Marie-France Hirigoyen, le harcèlement sexuel peut être défini comme une conduite abusive se manifestant à travers des comportements, des paroles, des gestes, des actes, des écrits qui portent atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychologique d’un individu.

Un sondage a été réalisé portant sur cinq hommes qui ont été questionnés au sujet de la définition du harcèlement sexuel. Ces derniers ont pointé du doigt la répétition de l’acte ou du commentaire déplacé. Il s’agit donc d’un comportement nuisible, qui peut embarrasser la victime voire plus. 

Une autre notion est mise en avant à savoir la subjectivité qui a été soulevée par William, entrepreneur opérant dans le secteur du transport. Ce dernier admet l’existence des cas universels de harcèlement comme les attouchements et les contacts qui nuisent à l’intégrité physique de la personne. N’empêche qu’il existe des cas où il devient difficile de trancher s’il s’agit de harcèlement ou pas, surtout lorsqu’un homme adresse des compliments à une dame comme le souligne Alexandre, un jeune qui travaille dans le domaine financier. A l’instar de William, il considère que dans certaines situations, il est difficile de se positionner. Et on ne peut parler de harcèlement que lorsque ceci devient pénible pour la victime.

Les personnes questionnées se sont mises d’accord sur la base du harcèlement sexuel qui consiste en un regard ou un commentaire déplacé se répétant continuellement et qui génère de l’inconfort pour la personne concernée. Chose confirmée par Gaëtan, âgé d’une trentaine d’années et qui occupe le poste d’ingénieur commercial. Celui-ci pense qu’il faut s’arrêter avant d’atteindre un état grave lorsqu’on met mal à l’aise l’interlocuteur ou qu’on lui cause de la peur, ne serait-ce qu’avec un regard.

Quant à Eric, qui est chef d’entreprise âgé de la soixantaine, il évoque un autre élément à savoir l’abus du pouvoir hiérarchique, l’exercice de son ascendant psychologique ou sa force physique vis-à-vis d’autrui pour tirer une satisfaction ou un profit. C’est ce qui explique le silence de certaines victimes du harcèlement sexuel dans le milieu professionnel. D’après une enquête qui remonte à 2014, 3 victimes d’harcèlement sur 10 rapportent le fait à leurs supérieurs hiérarchiques. Alors que 5% seulement entament des poursuites judiciaires. 

Dans la majorité de ces cas, l’agresseur utilise un ascendant physique ou psychique, voire hiérarchique pour éviter qu’il soit dénoncé par la victime.


Solidarité pour les victimes du harcèlement sexuel

Le harcèlement sexuel est dénoncé à tous les niveaux, et c’est ce qui a poussé des célébrités en France à soutenir et à exprimer leur solidarité aux femmes victimes d’un tel acte. Le soutien s’est manifesté aussi sur les réseaux sociaux où le hashtag #TousConcernés a fait son apparition pour se propager et mobiliser plus de gens autour de cette cause. Les militantes  estiment que les hommes ne sont pas concernés surtout que les victimes sont, dans la grande majorité des cas, des femmes. Une réaction similaire a été déclenchée par le hashtag #IveDoneThat, qui a été lancé par des hommes ayant commis auparavant des actes d’harcèlement et qui ont veillé à témoigner. 

Gaëtan souligne que les hommes sont inconscients de ce que subissent les femmes au quotidien. Au moment où pour eux, il ne s’agit que d’une réflexion innocente, la victime a dû entendre le commentaire plusieurs fois le même jour. Et le plus souvent, la femme veille à ne pas porter de jupe trop courte et évite de passer devant telle ou telle personne à tel ou tel moment. 

Certaines victimes ont pu trouver le courage pour évoquer le sujet, alors que plusieurs parmi elles reculent pour ne pas froisser l’opinion publique qui juge le débat strictement féminin.

D’après William, la situation se révèle très délicate surtout que certains mouvements féministes ne souhaitent plus écouter la femme et rejettent sinon ils rabaissent l’homme, même celui qui cherche à défendre les femmes. Dans de telles conditions, l’impossibilité de la communication entrave toute évolution comportementale. 

Il convient de ne pas exclure l’homme de la problématique du harcèlement sexuel surtout qu’il joue le rôle d’agresseur ou de spectateur et dans certains cas rares de victime. Or la rupture de tout dialogue entre les deux sexes ne sert aucunement la cause. La multiplication des mouvements dénonçant ce type de comportement a permis de prendre conscience de la problématique à plus grande échelle, notamment parmi la gent masculine. 

De son côté, Gaëtan précise qu’il essaie de rester conscient de ce problème dans son entourage et d’intervenir. D’après lui, le harcèlement peut toucher toute personne que ce soit ses amies, ses sœurs ou des mères. 


Changements comportementaux des hommes sur le lieu de travail

En ce qui concerne Philippe qui a 47 ans et qui occupe le poste de directeur dans une entreprise de cosmétiques, il révèle qu’il a toujours respecté les autres et qu’il n’a jamais rencontré de problèmes de harcèlement dans son entourage professionnel. Il précise que son comportement est demeuré inchangé au cours des dernières années surtout qu’il n’a rien à se reprocher. N’empêche qu’il est soucieux de faire quelque chose qui serait considéré comme déplacé ou répréhensible et qui ne peut émaner que d’un malentendu ou une mauvaise interprétation de la situation. 

Dès lors, on relève la présence d’une crainte latente d’être désigné comme harceleur, alors que l’individu en question n’avait aucune mauvaise intention sous-jacente dans l’acte ou la parole. Chose qui risque d’aggraver la situation encore plus et d’agrandir la distance entre les deux sexes. Le maintien d’une certaine distance, n’est pas mal perçu par tout le monde, comme c'est le cas de Philippe. 

Celui-ci explique que l’existence d’une distance ne signifie pas communiquer moins, surtout qu’il n’y a aucun impact sur la qualité du travail. Mais l’existence d’une telle distance rend la préservation d’une bonne ambiance sur le lieu du travail très difficile, ce qui crée un sentiment de crainte entre les deux sexes. 

Quant à Dimitri qui occupe le poste de directeur marketing associé dans une structure spécialisée dans l’événementiel, il estime que le dialogue peut résoudre toutes les difficultés.

Il précise qu’il a dû faire face, au sein de son équipe, à des plaintes en rapport avec des commentaires déplacés et qui avaient un caractère ponctuel. En tant que responsable, il a préféré discuter directement avec les personnes concernées, qui se sont rendues compte qu’il s’agissait d’un simple malentendu surtout que le harceleur n’était pas conscient de l’effet de ses paroles. Et en vue d’éviter des incidents similaires, il a veillé à sensibiliser ses collaborateurs quant aux comportements à adopter au sein de l’entreprise pour préserver une bonne ambiance de travail et que les potentielles victimes puissent régler le problème avant que les choses ne s’enveniment. 

Pour Eric, un entrepreneur opérant dans le domaine des nouvelles technologies, il précise qu’il n’a jamais assisté à un cas de harcèlement sexuel dans le milieu professionnel. Il pense qu’en sa présence, ses employés se comportent de façon très professionnelle à cause de l’attitude qu’il adopte avec eux. C’est pourquoi leurs échanges sont plus tournés vers le travail. La distance qu’il maintient vis-à-vis de ses collaborateurs limite leurs interactions à des aspects purement professionnels. 

Un mal qui se révèle positif. Eric souligne que dans son domaine d’activité, il y a une pénurie de main-d’œuvre et de profils qualifiés, c’est pourquoi il veille au bien-être de ses employés mais tout en entretenant des relations professionnelles simples et directes. Il mise sur l’écoute des uns et des autres, chose qui a évité à son entreprise de vivre des cas de harcèlement sexuel.


Etats-Unis : le gap culturel et subjectivité dans la perception 

Le harcèlement sexuel est une problématique qui est présente partout. C’est la raison pour laquelle, il était important de voir un exemple venu d’ailleurs. C’est le cas justement de Matthew, un jeune de 28 ans qui a travaillé pendant cinq ans aux Etats-Unis, avant son installation et son travail dans une start-up à Paris.  

Matthew atteste que les règles comportementales au sein des entreprises aux Etats-Unis sont plus strictes et rigoureuses notamment en ce qui concerne le harcèlement sexuel. Chose qui peut être expliquée par la différence culturelle entre la France et les Etats-Unis. Ainsi dans le milieu professionnel, jamais un homme ne fait la bise à une femme. Tout ce qui relève de l’intimité doit être gardé dans la sphère privée. Tout contact, outre un échange d’une poignée de main, peut être perçu comme inapproprié. Le choc culturel était marquant pour lui lorsqu’il a assisté à certains comportements très récurrents dans son entreprise parisienne. Mais il comprend que les règles qui régissent les relations entre les deux sexes sont déterminées par la culture et les mœurs locales. 

Dès lors, l’application des politiques américaines dans une structure française n’aura pas de sens et vice-versa. La même opinion est partagée par Eric, qui précise que tout comportement inadéquat ou déplacé fait l’objet de réprimande financière et légale aux Etats-Unis. Mais, il estime qu’une telle politique ne peut être appliquée en France. 

Il pense qu’en cas de mise en application d’une telle politique, elle sera nuisible voire dangereuse pour les relations quotidiennes entre hommes et femmes. Elle sera source de plus d’éloignement, aggravant ainsi l’incompréhension, car les deux sexes auront tendance à se fréquenter de moins en moins. 

L’inspiration des modèles intransigeants à propos des relations inter-sexes ne peut que desservir l’équilibre de la société française. C’est pourquoi le dialogue se présente comme le moyen idéal servant la systématisation des relations saines et équilibrées entre hommes et femmes dans le milieu du travail. Il vaut mieux prévoir des meet-ups et des séminaires de sensibilisation, en plus d’un travail sérieux au niveau de l’éducation des nouvelles générations, ce qui permettra d’apaiser les tensions entre les sexes dans le milieu professionnel.  


Vers la fin des malentendus ?

Jusque-là, il était difficile de définir les limites du harcèlement sexuel. Et pendant très longtemps les victimes se trouvaient dans l’incapacité de dénoncer les comportements ou les commentaires déplacés. Mais de nos jours, les frontières à ne pas outrepasser sont bien claires et chaque représentant de la gent masculine est apte à juger si son comportement est acceptable ou déplacé. 

Pour Dimitri, la galanterie doit être plus étendue et ne plus se limiter au rapport hommes-femmes. Car un tel comportement entre dans la politesse et la bienséance qui doivent être égalitaires dans la société. Ce sont des comportements qui sont identiques envers tous et qui ne s’opposent aucunement aux gestes de la bienveillance. 

Ceci dit, il ne faut pas omettre que les environnements professionnels sont en mutation constante avec des espaces de travail qui s’apparentent à ceux de l’hôtellerie et un management qui favorise le bien-être des travailleurs en vue de booster la performance et la productivité. Dès lors, il devient difficile de délimiter ou de dissocier la vie personnelle de la vie active. Evidemment de tels changements ne sont pas sans risque sur les rapports entre femmes et hommes. En fait, il serait difficile de déterminer avec précision quel comportement est considéré comme décent et quel autre ne l’est pas, alors que des efforts considérables sont fournis pour mettre à l’aise les collaborateurs et leur offrir un espace où ils ne se sentent pas en entreprise.

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Christophe Rieder

Titulaire d'un Master of Science HES-SO in Business Administration obtenu à HEG-Fribourg et du Diplôme fédéral d'Enseignant de la formation professionnelle, Christophe Rieder est le Fondateur et Directeur de l'institut de formation professionnelle en ligne BetterStudy. Christophe est aussi Maître d'enseignement en gestion d'entreprise à l'Ecole supérieure de commerce. Avant de se réorienter dans le domaine de la formation, Christophe a travaillé 4 ans dans la gestion de fortune à Genève. Pendant son temps libre, Christophe fait de la guitare et joue aux échecs, il aime aussi voyager.