Vous êtes-vous déjà questionné sur ce qui vous a poussé à suivre une ou des formations ? Questionné profondément j’entends ? Dans tous les cas, de nombreux chercheurs ont justement exploré la question. Typiquement, on retrouvera de nombreuses réponses, modèles et théories qui cherchent à expliquer ce qui pousse le comportement humain à travers le champ de la motivation.
De nombreux modèles de la motivation existent donc. Cependant, puisque ce que vous lisez présentement n’est pas un livre exhaustif de plusieurs centaines de pages, il semble nécessaire de se focaliser sur un nombre restreint de théories. En particulier, cet article cherche à mentionner la théorie de l’autodétermination. Celle-ci est une théorie de la motivation particulièrement complète et soutenue par la recherche que nous allons donc essayer de déployer pour explorer la question des sources de motivation à se former.
Avant de se lancer, remarquez que cet article se base en grande partie sur l’ouvrage de Paquet, Carbonneau, & Vallerand (2016) sur la théorie de l’autodétermination. La lecture de ce dernier est, par conséquent, vivement recommandée à toute personne qui souhaiterait en savoir davantage.
Le site web selfdeterminationtheory.org est également une ressource complète sur la théorie de l’autodétermination. La visite de celui-ci est donc également conseillée aux plus curieux.ses.
La théorie de l’autodétermination
La motivation Intrinsèque Vs. Extrinsèque
Un aspect central de la théorie de l’auto-détermination n’est autre que la distinction entre la motivation intrinsèque et l’extrinsèque (Paquet et al., 2016). La motivation intrinsèque définit la tendance à réaliser une activité pour l’activité elle-même (Deci, 1975). Autrement dit, celle-ci est réalisée simplement parce que faire cette activité donne du plaisir. Par opposition, la motivation extrinsèque définit la réalisation d’une activité pour les conséquences de celle-ci (Gagné & Deci, 2005). Ainsi donc, le motif réel est d’obtenir la récompense qui découle de l’activité. La motivation extrinsèque concerne aussi les cas où une activité est réalisée pour éviter les conséquences négatives qui apparaîtraient dans le cas contraire. Par exemple, accepter d’aller voir un film jugé inintéressant pour éviter de froisser son/sa conjoint.
Appliqués à la décision de se former, ces concepts offrent différentes fenêtres de vision. Ainsi, une formation peut être motivante de manière intrinsèque si la personne trouve de l’intérêt et du plaisir dans le simple fait d’apprendre. La formation sera, en revanche, extrinsèquement motivante si elle offre des promesses intéressantes pour le futur. Par exemple, une bonne perspective d’emploi. Des motivations extrinsèques peuvent également se retrouver durant la formation. Un exemple serait la possibilité de faire de nouvelles connaissances.
En plus d’être opposées conceptuellement, il est intéressant de remarquer que ces deux types de motivation ont tendance à s’annuler (Paquet et al., 2016). En effet, plusieurs recherches ont démontré qu’ajouter des motivateurs extrinsèques à une activité déjà intrinsèquement motivante tend à avoir un impact négatif sur cette dernière motivation (Deci, Koestner, & Ryan, 1999). Autrement dit, offrez un prix à quelqu’un qui a déjà du plaisir à se former et ce plaisir aura tendance à diminuer.
Cela étant dit, il faut nuancer ce dernier propos. En effet, les aspects intrinsèques ne prennent pas systématiquement un coup lorsque des aspects extrinsèques sont intégrés. Ainsi, des récompenses qui ne sont pas directement liées à la performance, par exemple, ne semblent pas influencer, ou moins, la motivation intrinsèque (Arnold, 1976; Harackiewicz, 1979).
D’autres éléments non liés à la motivation extrinsèque peuvent influencer le niveau de motivation intrinsèque. En l’occurrence, des éléments qui entourent la tâche comme la surveillance (Plant & Ryan, 1985) ou encore des échéances (Amabile, DeJong, & Lepper, 1976) peuvent avoir cet effet. Le climat social en est un autre exemple. Effectivement, un climat de soutien tend à augmenter le niveau de motivation intrinsèque comme extrinsèque (Vansteenkiste, Simons, Lens, Sheldon, & Deci, 2004).
Pour ce qui est des motivateurs extrinsèques, ceux-ci tendront à gagner en importance suivant le niveau d’intégration (Paquet et al., 2016). C’est à dire, en fonction de la valeur qui leur est donnée par l’individu et sa culture. Par exemple, dans un pays comme la Chine, les notes aux examens tendent à avoir une grande importance et être valorisées socialement (Chen, Warden, & Chang, 2005). Par conséquent, l’importance de réaliser des bonnes notes serait plus intégrée et donc plus motivante dans cette culture.
L’orientation de causalité
Au delà de la perspective en deux pôles, il peut être intéressant de concevoir ces aspects motivationnels comme un continuum. Ainsi, il est question de trois types d’orientation de la motivation allant de l’amotivation à l’autonomie en passant par la motivation contrôlée (Paquet et al., 2016).
Du côté de l’autonomie, on retrouve toutes les motivations intrinsèques ainsi que les motivations extrinsèques fortement intégrées. Dans ce pôle, l’individu se sent naturellement poussé à l’action (Paquet et al., 2016). La motivation autonome est, par ailleurs, associée à une plus grande persistance (Pelletier, Fortier, Vallerand, & Brière, 2001), créativité (Koestner, Ryan, Bernieri, & Holt, 1984) ou encore santé mentale (Ryan, Rigby, & King, 1993).
La motivation contrôlée, quant à elle, décrit les cas où une personne accepte plutôt à contrecœur d’effectuer une tâche car elle sent une certaine pression à la réaliser (Paquet et al., 2016). Pour donner un exemple, ce serait le cas de quelqu’un qui se lance dans une formation spécifique parce que toute sa famille a suivi la même formation. Cette personne pourrait alors sentir une pression à se conformer et suit donc la formation dans ce sens. Pas parce qu’elle estime réellement que cela lui permettrait d’être plus heureuse par exemple.
Finalement, l’amotivation décrit un manque de volonté d’agir (Paquet et al., 2016). Dans ce cas, l’individu ne donne pas de valeur aux résultats potentiels, ne croit pas que certains comportements spécifiques lui donneront ce qu’il/elle recherche ou ne se sent simplement pas capable de les obtenir.
Les besoins psychologiques de base
Il existe de nombreuses théories des besoins (Reeve & Masmoudi, 2012). Dans le cas de la théorie de l’autodétermination, ce sont trois types de besoins psychologiques qui sont retenus :
- L’Autonomie : Possibilité de décider de ses actions et de les réaliser soi-même (De Charms, 1968).
- La Compétence : Sentiment d’efficacité sur son environnement et de pouvoir relever des défis (Deci, 1975).
- L’Affiliation : Sentiment d’appartenance, d’être lié à d’autres personnes (Ryan, 1993).
L’idée dans ce cas est que la satisfaction de ces besoins devrait allouer un sentiment de bien-être psychologique (Deci & Ryan, 2000).
En revanche, il est intéressant de remarquer que l’intensité de ces besoins peut varier en fonction de la personne, du moment de la vie ou même du contexte socio-économique (Ryan & Deci, 2017). Par conséquent, dans la question du choix de formation, le ou les besoins qui ressortent le plus chez la personne pourront l’orienter. Si c’est le besoin d’autonomie qui a particulièrement besoin d’être comblé, alors la personne risque de préférer une institution qui lui laisse particulièrement de liberté et de flexibilité. Si c’est le besoin de compétence qui ressort, alors la personne pourrait chercher son bonheur dans des structures qui donnent particulièrement de feedback ou même qui laissent faire preuve de compétitivité.
C’est probablement le besoin qui devrait ressortir le plus dans la volonté de poursuivre une formation, dans le sens où cette dernière devrait donner la possibilité de mieux maîtriser son environnement. Finalement, pour l’appartenance, un moyen de combler ce besoin pourrait être de choisir une institution qui favorise le contact social ou intègre des associations diverses en son sein.
Le contenu des objectifs
Maintenant que tous ces types et sous-types de motivations ont été abordés, il est temps de parler des objectifs personnels. Objectifs qui se fixeront donc en fonction de ces motivations. Cependant, cela ne signifie pas pour autant que les objectifs choisis sont toujours les meilleurs. En effet, la poursuite d’objectifs à long terme centrés sur les motivations intrinsèques tendent à être associés à une meilleure santé mentale notamment (Kasser & Ryan, 1996).
Cependant, cela ne s’arrête pas là. Puisque les individus sont différents les uns des autres, il devient également crucial de comprendre quels objectifs sont les plus en accord avec sa personnalité « profonde ». On parle alors d’autoconcordance (Paquet et al., 2016). Cette autoconcordance produit notamment un maintien de l’effort (Sheldon & Elliot, 1998) et augmente les chances d’atteinte de l’objectif (Koestner, Lekes, Powers, & Chicoine, 2002).
Considération sur l’estime de soi
Cela fait beaucoup de texte sur la théorie de l’autodétermination ! Bien-entendu, il ne s’agit pas de la seule théorie de la motivation. Seulement, certaines pourront s’intéresser à des aspects particuliers de l’expérience humaine. Un de ces aspects est notamment l’estime de soi. Ce concept définit l’ampleur à laquelle une personne donne de la valeur ou approuve sa propre personne (Robinson, Shaver, & Wrightsman, 2013). Pour la petite info, une estime de soi basse augmente d’ailleurs les chances de développer une dépression (Sowislo et al., 2013).
Théorie sociométrique de l’estime de soi
Un moyen de concevoir l’estime de soi est comme une jauge. Une jauge qui permet d’évaluer sa situation dans le contexte social (Leary, 2012). L’idée ici est donc que l’estime de soi sert à juger à quel point l’on est intégré ou, au contraire, exclu socialement. Dans le sens de la théorie sociométrique de l’estime de soi, l’individu sera donc motivé à éviter le rejet et cherchera donc l’inclusion sociale (Fenouillet, 2012).
Appliqué à la formation, une telle théorie implique donc la satisfaction d’un besoin social. Il est donc possible de décider de se lancer dans une formation pour éviter l’isolement social. Possiblement à long terme, en voyant la formation comme un moyen d’éviter le chômage plus tard. Chômage qui peut justement être fortement associé à un isolement social dans certains pays (Gallie, Paugam, & Jacobs, 2003).
Dernières considérations
Le sujet de la motivation et de ce qui guide les comportements humains est particulièrement complexe. Beaucoup trop pour un simple article de blog. Les concepts qui sont ici mentionnés ne sont donc à prendre que comme une partie de la réponse à la question de ce qui pousse les individus à poursuivre une formation. De nombreux autres concepts viennent plus ou moins influencer la décision de chacun. D’ailleurs, même pour ce qui est de la théorie de l’autodétermination, celle-ci est loin de s’arrêter là. En effet, elle comprend encore une multitude d’aspects.
Les concepts traités ici ne devraient donc être vus que comme une entrée en matière, un amuse-bouche. Le plat principal étant, quant à lui, beaucoup plus copieux.
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Références
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