Faire un stage ne facilite pas l’accès à l’emploi
Une étude menée par l’Université de Genève a révélé qu’il n’existe pas de relation de cause à effet entre les stages et l’insertion sur le marché de l’emploi. Il paraît même que dans certains cas les expériences pré-professionnelles creusent l’écart ou les inégalités socio-économiques.
Il faut avouer que le passage par les stages est souvent perçu comme étant un must avant toute expérience professionnelle. Pour beaucoup, c’est une phase incontournable, surtout pour les jeunes diplômés, ceci afin qu’ils puissent avoir accès au monde du travail. En effet, il existe peu d’offres sur le marché de l’emploi pour les jeunes fraîchement sortis des hautes écoles, écoles polytechniques et universités.
Ceci dit, d’après une étude de l’Université de Genève, il se trouve que cette exigence n’est qu’un mythe largement diffusé par les responsables des ressources humaines (RH) et les conseillers d’orientation.
En réalité, il se trouve que faire un stage n’aide guère à l’intégration sur le marché du travail.
Cette étude a été basée sur un échantillon de 1500 diplômés en sciences sociales qui ont obtenu leurs diplômes entre 2005 et 2015. Les résultats ont réservé une grande surprise à savoir l’absence de toute causalité entre le fait de faire un stage et décrocher un poste de travail ultérieurement. C’est même le contraire qui semble se produire.
Des expériences pré-professionnelles défavorables aux premiers jobs
L’étude a souligné un vrai boom des stages. En effet, en comparant les promotions de 2012 avec celles de 2006, il s’est révélé que le nombre de stages a doublé à raison de 1,30 stage par personne pour les stages extra-cursus et de 0,6 stage par étudiant pour ceux intra-cursus. En définitive 25% des diplômés ont effectué des stages pour une durée de plus d’une année.
Une telle pratique et son expansion ont tendance à éloigner les jeunes lauréats de leur premier job. Ceci était par ailleurs dénoncé par des institutions de défense de stagiaires et ce depuis de nombreuses années. On a même constaté que de nombreuses positions de type « junior » ont disparu au profit de celles proposées aux stagiaires.
Et ce, même au sein d’une grande instance comme l’Organisation des Nations Unies (ONU), comme l’a observé Fair Internship Initiative, une organisation opérant pour entreprendre des réformes des politiques de recrutement au sein des institutions onusiennes.
Les stages et le creusement des inégalités
Les stages sont déclarés non pas comme des expériences pré-professionnelles mais comme des stages abusifs qui pullulent non seulement dans organisations internationales mais dans différents organismes comme les médias, les établissements culturels, les associations, etc.
En effet, certains responsables RH arguent qu’il faut percevoir le stage comme un prolongement des études et que dans cette optique, il ne devrait pas être rémunéré tout comme un-e étudiant-e ne reçoit pas de salaire. C’est une justification pour employer de la main d’œuvre hautement qualifiée gratuitement ou à moindre frais.
Par conséquent, cela favorise les personnes issues de familles les plus privilégiées qui soutiennent très souvent financièrement leurs enfants-es. Cela est donc une source patente d’inégalité des chances.
En Suisse les gestes et les actions se multiplient pour protéger les stagiaires contre les excès ou les pratiques douteuses à l’instar des initiatives entreprises dans les cantons de Genève et Neuchâtel.
Ces deux cantons ont mis en place une liste de critères permettant de définir les abus ou les pratiques non conformes concernant les stages. C’est une chance pour pouvoir différencier entre les expériences positives générant une réelle plus-value au CV du stagiaire, lui permettant d’affuter ses compétences, de celles qui ne constituent qu’une perte de temps et sans valeur ajoutée.
Une autre étude, américaine cette fois, conforte la discrimination et l’inégalité dans les stages et elle était réalisée par Intern Bridge. Les résultats de cette étude démontrent que la classe socio-économique et le réseau de contacts affectent grandement l’obtention d’un stage de qualité, valorisé par les recruteurs.
D’après Anastasia, une jeune femme de 29 ans, les stages constituent une entrave à l’accès à l’emploi. Elle a révélé que ses parents ont dû rentrer en Russie et qu’elle s’est trouvée dans l’obligation de payer son loyer alors qu’elle était encore étudiante. Et dans ce cas de figure, elle ne pouvait s’offrir le luxe de faire un stage non payé.
A cause de cette situation, elle a dû passer six longues années dans un établissement bancaire en tant qu’auxiliaire. Or une telle expérience n’est pas considérée comme pertinente dans le développement de sa carrière. La jeune femme a précisé qu’elle a postulé une soixantaine de fois sans pouvoir obtenir d’entretien d’embauche.
Le cas d’Anastasia n’est malheureusement pas unique. Il est de plus en plus en vogue, ce qui souligne une nouvelle forme d’inégalité sur le marché du travail. Une enquête menée par Fair Internship Initiative, a révélé que 76% des stagiaires des différents organismes de l’ONU bénéficient du support financier de leurs parents.
C’est un moyen de bénéficier des services de personnel gratuit au sein de l’ONU. Il est à noter que la discrimination devient de plus en plus éloquente, sachant que l’an passé le nombre de stagiaires venant de France a atteint les 314 personnes alors que les stagiaires venant de la totalité du continent sud-américain n’ont pas dépassé les 278 individus.
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Source : Journal LeTemps.ch