Le 20ème siècle est caractérisé par une préoccupation pour les trajectoires biographiques de l’adulte et de l’éducation permanente. Auparavant, l’âge adulte n’intéresse que très peu, il est considéré comme un repère, une norme, l’âge de l’évidence. Or, notre culture postmoderne est marquée par une contestation des repères et des cadres à partir desquels les adultes peuvent penser leur existence. Face à ces changements sociaux importants, un intérêt pour le “nouvel adulte” émerge.
Dans le monde de la formation, le système de formation continue et de stages connaît un grand essor depuis quelques décennies. Sylvie Chiousse décrit ce mouvement de la sorte :
“Les évolutions sociales (plus de temps libéré du travail, une attention particulière portée à l'amélioration des conditions de vie), les changements économiques (plus de temps de travail imparti à la formation, la mondialisation des échanges – avec la nécessaire « mise à niveau » que demande cette ouverture sur l’extérieur) et les mutations dans l'entreprise sont quelques uns des facteurs qui concourent à un contexte général de massification de l'enseignement.” ( 2007, p. 8)
Cette massification de l’enseignement invite à se pencher sur la question des méthodes de formation et de la prise en compte des spécificités de l’adulte. Car former des adultes diffère en bien des aspects de l’enseignement scolaire.
C’est à partir des années 50 que l’intérêt pour les méthodes de formation des adultes se fait ressentir. Un terme issu du grec ander signifiant “adulte” permet de mettre en lumière les techniques de formation relatives à ce public particulier : l’andragogie. Ce modèle fut théorisé par Malcom Knowles, figure centrale de l’éducation des adultes aux États-Unis dans la seconde moitié du 20ème siècle.
Dans cette approche centrée sur l’apprentissage de l’adulte et les moyens à mettre en oeuvre pour le favoriser, l’homme est considéré comme un sujet au centre de sa vie qui agit sur le monde. Pour cette approche humaniste, l’éducation permet la revalorisation de la personne. Cet article vous propose de découvrir cinq spécificités de l’adulte, inspirées des principes de ce modèle.
1. L’adulte est riche d’un bagage expérientiel
L’adulte est l’acteur d’un grand nombre d'expériences de diverses natures qui ont participé à sa construction identitaire. Cette expérience s’inscrit dans sa personne et son identité. Lorsqu’il entre en situation de formation, ces expériences deviennent un réservoir qui peut être utilisé pour les apprentissages. Les apprentissages réalisés en formation auront une résonnance différente chez chaque adulte. Ignorer cette expérience en formation peut avoir des effets détrimentaires importants : sentiment de rejet ou encore baisse de motivation. Cette première spécificité de l’apprenant adulte souligne l’importance de personnaliser l’apprentissage en tenant compte des expériences des apprenants afin d’enrichir les situations de formation.
2. Le besoin d’autodétermination
Lorsqu’il s’inscrit en formation, l’adulte a un réel besoin d’être autodéterminé. En d’autres termes, il veut avoir la sensation d’être à l’origine de ses décisions et opinions. L’apprentissage autodirigé est donc défini par Knowles comme un
“processus par lequel l’apprenant prend l’initiative, avec ou sans l’aide d’autrui, pour diagnostiquer ses besoins d’apprentissage, formuler des objectifs, identifier les ressources humaines et matérielles, choisir et mettre en œuvre les stratégies d’apprentissage appropriées et évaluer les résultats obtenus.”
Or, en formation, l’adulte n’a pas toujours ce sentiment puisque la mise en situation de formation peut rappeler à l’adulte d’anciennes dynamiques sociales de son apprentissage scolaire. Cette réminiscence peut être à l’origine d’abandons en formation.
3. Le besoin de savoir
Les adultes apprennent s’ils en ressentent le besoin. C’est la raison pour laquelle l’adulte a besoin de savoir pourquoi et comment il va entreprendre une démarche pour apprendre. Il doit être en mesure d’identifier les compétences à acquérir et les effets de cette acquisition sur les dimensions personnelles et professionnelles. Il peut être très bénéfique si le formateur entre dans une négociation du parcours avec l’apprenant: les modalités, les buts ainsi que les étapes pour les atteindre seront alors mis en discussion, dans une logique de partenariat.
4. Apprendre pour agir
Les expériences de formation se doivent d’être en lien avec des problématiques concrètes qui se posent dans la vie des apprenants si elles veulent favoriser l’engagement dans l’activité. Les compétences et connaissances doivent viser à mieux affronter des situations réelles. Pour ce faire, une présentation des compétences en lien avec leur application dans des situations rencontrées par les apprenants est bénéfique à l’apprentissage. Ces liens avec le “concret” et le “réel” peuvent être favorisés lors de la présentation des contenus, des exercices ou encore des illustrations par des cas pratiques.
5. La motivation interne
Le concept de motivation est d’une importance capitale puisqu’il détermine l’activité de l’adulte. Pour Knowles, un adulte pourra être sensible à des motivations extrinsèques telles que la perspective de gagner un salaire plus important ou encore la perspective d’une promotion. Toutefois, ces perspectives salariales ou de promotion ne sont pas les plus puissantes. La motivation intrinsèque est décrite par l’auteur comme le moteur le plus puissant. Par exemple, envisager la formation comme une possibilité de renforcer l’estime de soi ou encore améliorer sa qualité de vie. Prendre connaissance des motivations de l’adulte peut être intéressant pour le formateur pour penser les éventuels freins au développement personnel de l’apprenant.
Sources
Sylvie Chiousse, 2007, Pédagogie et apprentissage des adultes. An 2001. Etat des lieux et recommandations, Rapport final OECD.
Malcom Knowles, 1973, L’apprenant adulte, Association Press.