Prof. Dr. Moez Ouni 23 janv. 2019 09:00:30

Comment les économistes calculent-ils la richesse d'un pays?

Economie

Comment est calculée la richesse d'un pays ? Que signifient des termes comme PIB, optique-production, optique-revenu, optique-dépense, ... ?

Les grandeurs et agrégats économiques

Comme il a été dit dans les articles précédents, les économistes font usage de l’observation et recourent aux statistiques (par la collecte, la création et l’estimation de données chiffrées). Le but est de comprendre le fonctionnement de l’économie et ses mécanismes ainsi que les liens entre les différentes grandeurs économiques au niveau microéconomique ou macroéconomique. Les statistiques sont une source importante d’informations pour l’économiste et pour les décideurs d’un pays. Les organismes publics réalisent périodiquement des enquêtes et des sondages auprès des agents économiques (consommateurs, entreprises, administrations publiques) dans le but de cerner leurs activités (achats, ventes, productions, prestations de services, revenus, ...) et d’apprendre par exemple ce qu’ils gagnent, ce qu’ils dépensent, ce qu’ils achètent et à quel prix.

Tous les économistes établissent et calculent différents agrégats et grandeurs décrivant l’activité économique et la mesurant. Il s’agit des grandeurs qui quantifient l’activité de production, de consommation, les revenus et leur répartition, l’épargne nationale (des ménages et des autres agents économiques), les exportations et les importations de biens et services, la monnaie, les activités bancaires et boursières, etc. La comptabilité nationale (branche spécialisée de la science économique, qui, dans le cadre de la nation, recense les flux des biens les plus importants, la provenance et la répartition des revenus, leur redistribution, les investissements et les sources de financement qui les assurent, Larousse 2018) recense toutes ces grandeurs et leur évolution dans le temps et l’espace. Différentes institutions (par exemple : l’Office fédéral de la statistique (OFS), le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO), la Banque nationale suisse (BNS)) mesurent l’activité économique durant une période de temps à l’aide de concepts comme le produit intérieur brut (PIB), ou le revenu national (RN). Ces concepts sont utiles aux décideurs aussi pour faire des choix en matière de politiques économiques et sont une aide précieuse à la prise de décision. Dans ce qui suit, nous présentons quelques concepts importants.

Le Produit intérieur brut (PIB) / revenu national

Le produit intérieur brut (PIB) est une mesure de la production d'une économie nationale durant une période de temps. Il mesure la valeur des biens et services produits dans le pays pour autant qu'ils ne soient pas consommés pour produire d'autres biens et services, autrement dit il définit la valeur ajoutée des différents agents économiques. Le PIB est calculé aux prix courants (aux prix du marché autrement dit les prix de la période en cours) ainsi qu'aux prix constants (par exemple ceux de l’année précédente, ou d’une période de référence). Aux prix de l'année précédente, l'évolution économique est dite réelle et est représentée sans tenir compte de l'influence des prix sur la valeur de la production.

Le PIB recense la valeur des biens et services produits au cours de la période sous revue, par exemple 2017. Pour parvenir à calculer la production d’une nation (de l’ensemble des agents économiques d’un pays), les économistes (aussi appelés Comptables nationaux) utilisent trois optiques (approches ou façon de calculer) : optique-production, optique des dépenses et optique-revenu.

Le PIB est la grandeur qui est utilisée pour mesurer la production nationale durant une période de temps.

1. Optique-production

Selon cette approche, on enregistre la valeur de l’ensemble des biens et services produits durant une période de temps, généralement l’année. L’optique-production permet de calculer l’apport des trois secteurs économiques (primaire, secondaire et tertiaire) au produit total de l’économie. Les économistes utilisent le concept de valeur ajoutée pour calculer la valeur totale des biens et services produits d’une nation durant une année. Il est faux de faire la somme des valeurs de production de tous les biens et services car il est certain que des valeurs sont comptées double. Donc, la production d’un pays est la somme des valeurs ajoutées (VA) de tous les biens et services. Nous obtenons par cette approche le produit intérieur brut (PIB).

PIB=∑VAi

Où VAi est la valeur ajoutée du produit i, et ∑ est le symbole de la sommation. La valeur ajoutée d’un produit est obtenue à l’aide de la formule suivante :

Valeur ajoutée = valeur de la production brute – la valeur des achats intermédiaires (ou consommations intermédiaires)

L'approche par la production permet de déterminer la valeur ajoutée créée par les divers acteurs économiques au cours d'une période. Le tableau 1 indique pour la Suisse la valeur totale de la production et la consommation intermédiaire de l’ensemble des agents durant les années 2015, 2016 et 2017. Pour calculer le PIB avec les prix du marché, il faut enlever les subventions (qui ont pour effet de baisser les prix lorsqu’elles sont octroyées) et rajouter les impôts indirects (qui ont tendance à augmenter les prix lorsqu’ils sont appliqués, exemple la TVA).

 

Tableau 1. Produit intérieur brut suisse selon l’optique production (En millions de francs, à prix courants)

P : indique que c’est un calcul provisoire et non définitif.

Source : OFS, 2018.

 

2. Optique-revenu

Cette optique permet d’enregistrer la valeur de l’ensemble des revenus reçus par les différents agents économiques durant une année. Elle est aussi appelée optique de répartition (où va le produit). L’optique-revenu s’intéresse à la rémunération des facteurs de production, soit la terre, le travail et le capital. Cette approche permet d’aboutir au revenu national brut. Ce dernier représente l’ensemble des revenus primaires reçus par les unités institutionnelles résidentes (ménages, entreprises, etc.). Le revenu national est composé de : (les 4 premiers revenus forment le revenu primaire des ménages)

  • revenus des salariés,
  • revenus d’exploitation des personnes indépendantes,
  • revenus de la propriété échéant aux ménages privés (par exemple les dividendes qui sont des parts de bénéfice de l’actionnariat),
  • revenus de la location d’immeubles échéant aux ménages,
  • épargne des sociétés (bénéfices des sociétés),
  • impôts directs frappant les sociétés (recettes fiscales),
  • revenus échéant à l’Etat à titre de la propriété et de l’entreprise (recettes de location de bâtiments appartenant à l’Etat, bénéfices des entreprises publiques, ...),
  • (moins) l’intérêt de la dette publique,
  • revenus échéant aux assurances sociales à titre de la propriété et de l’entreprise.

Pour passer du PIB au RN (revenu national), il faut prendre en considération les flux de revenus échangés entre le pays et le reste du monde. Au PIB, il faut ajouter les revenus des facteurs de production reçus du reste du monde (rémunérations des salariés et de la propriété) et retrancher ceux versés. Le tableau 2 présente les chiffres pour le PIB et le revenu national suisse entre 2015 et 2017.

 

Tableau 2. Produit intérieur brut suisse selon l’optique revenu (En millions de francs, à prix courants)

P : indique que c’est un calcul provisoire et non définitif.

Source : OFS, 2018.

 

3. Optique-dépense

Cette optique s’intéresse aux dépenses de consommation et d’investissement réalisées durant une année. Elle permet de déterminer le produit intérieur brut sous l’angle de la demande globale (demande des consommateurs, des entreprises, de l’Etat et des partenaires internationaux). Elle correspond à l’ensemble des dépenses et se compose de deux demandes : la demande intérieure et la demande extérieure.

La demande intérieure : C + G + I

  • La demande des consommateurs en biens et services. On la note par C.
  • Les dépenses courantes de l’Etat et des assurances sociales. On la note par G.
  • La demande d’investissement, autrement dit formation intérieure brute du capital. Celle-ci est composée de la formation intérieure brute du capital fixe et la variation des stocks. On la note par I.

La demande extérieure : X – M

Il s’agit des ventes de biens et services à l’étranger (exportations), notées par X (moins) les achats de biens et services à l’étranger (importations), notés par M. On parle de demande extérieure nette : (X – M).

En additionnant les deux demandes, nous obtenons la demande globale adressée àl’économie :

PIB = C + I + G + X – M

L’approche par la dépense a pour objet de montrer comment les différents acteurs utilisent leur revenu disponible, c’est-à-dire comment ils consomment et investissent. Il s’agit de l’ensemble des opérations qui constituent la demande intérieure et la contribution extérieure (la différence entre les exportations et les importations). Le tableau 3 présente le calcul du PIB selon l’approche de la demande. La demande intérieure est constituée de celle des ménages et les ISBLM, des administrations publiques, des entreprises (formation brute du capital fixe, elle correspond à l’investissement des entreprises en capital physique) et des exportations (demande extérieure). Le tableau 3 montre les montants des différentes variables de la demande en Suisse pour les années 2015, 2016 et 2017.

 

Tableau 3. Produit intérieur brut suisse selon l’optique dépense (En millions de francs, à prix courants)

P : indique que c’est un calcul provisoire et non définitif.

Source : OFS, 2018.

 

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Prof. Dr. Moez Ouni

Diplômé en informatique de gestion de l’Université de Tunis en 1987, Moez Ouni poursuit ses études avec une Licence ès sciences économiques, option économie politique à l’Université de Neuchâtel en Suisse en 1998. Il complète son cursus avec un Master en économie et finance de l’Université de Genève en 2000. Moez Ouni a été chargé de cours d’économie politique à la Formation universitaire à distance (FUAD). Aujourd’hui, il enseigne l’économie et la gestion d’entreprise dans les hautes écoles spécialisées, tout en étant consultant et collaborateur scientifique à Eco’Diagnostic et l’Université de Neuchâtel. Il a développé ses compétences et s’est spécialisé dans les domaines de l’application de méthodes quantitatives en socio-économie, l’interaction entre l’économie et la sphère financière, et les études d’impact socio-économique. Il maîtrise l’anglais et l’arabe. Doctorat ès sciences économiques de l’Université de Neuchâtel en 2011