Tiago Pereira Gonçalves 19 mars 2019 09:00:45

L’intérêt de la résistance émotionnelle au travail

Formation professionnelle

La résistance émotionnelle au travail, qu’est-ce que c’est? Résister émotionnellement au travail est important pour vivre une vie professionnelle plus stable. La gestion des émotions pour résister au stress au travail est utile pour développer une carrière et avoir une vie professionnelle plus épanouie.

Divorce, licenciement, mort d’un proche, catastrophe naturelle. Il existe de nombreux exemples d’évènements de vie particulièrement difficiles qui peuvent créer une cassure. Se remettre après de tels évènements devient donc particulièrement ardu.

Dans le cadre organisationnel, ces évènements peuvent notamment signifier la perte de plusieurs employés ayant particulièrement de valeur (Kammeyer-Mueller, Wanberg, Glomb, & Ahlburg, 2005).

Vu leur impact, il peut donc sembler particulièrement intéressant de se prévenir autant que possible de ces évènements. A des niveaux légaux ou encore de gestion des risques bien entendu, mais considérer l’aspect psychologique pourrait également s’avérer utile.

Il existe justement un concept en psychologie pour traiter ce sujet. A savoir, la résistance émotionnelle. Le présent article cherchera donc à définir ce concept, mais aussi à traiter ses effets à un niveau organisationnel et surtout les moyens d’améliorer cette résistance.


Qu'est-ce que la résistance émotionnelle au travail ?

La résistance émotionnelle peut être décrite comme « la capacité potentielle ou manifeste d’un individu de s’adapter avec succès via de multiples processus à des défis qui défient le fonctionnement, la survie ou encore le développement positif » (Masten & Cicchetti, 2016, p.5). Ou pour faire simple, il s’agit de la capacité de faire face à l’adversité.

A la base, ce concept a surtout été développé en psychologie de l’enfance (Masten & Cicchetti, 2016). Pour être plus précis encore, il s’agissait de décrire comment les enfants et adolescents pouvaient faire face à des évènements traumatiques tels qu’une guerre ou une catastrophe naturelle par exemple (Masten & Cicchetti, 2016).

Les études sur la résistance émotionnelle passèrent d’ailleurs par plusieurs phases. Dans un premier temps essentiellement descriptives et centrées sur les risques de traumatisme, elles ne tardèrent pas à orienter leur regard sur les ressources et les manières de mieux faire face à un traumatisme (Masten & Cicchetti, 2016). Naturellement, par la suite, les recherches ont commencé à s’orienter sur les façons d’améliorer ces ressources (Masten & Cicchetti, 2016). De plus, elles ont aussi commencé à s’exporter vers d’autres domaines comme la médecine ou le travail par exemple (Vanhove, Herian, Perez, Harms, & Lester, 2016).

Pour ce qui est de la mesure de la résistance émotionnelle, de nombreuses méthodes existent. Celles-ci peuvent se focaliser sur la perception des individus, sur des résultats organisationnels ou même sur l’aspect biologique (Masten & Cicchetti, 2016). Dans le cadre organisationnel, cela dit, des approches basées sur des questionnaires auto-rapportés peuvent s’avérer particulièrement utiles. A ce titre, le Resilience At Work Scale est un bon exemple de questionnaire applicable au travail (Winwood, Colon, & McEwen, 2013).


Les avantages d’une résistance émotionnelle accrue

Dans le contexte du travail, considérer l’impact des évènements traumatiques ou de discontinuité, tels qu’un divorce ou le licenciement de collègues par exemple, s’avère également pertinent. En effet, de tels événements peuvent avoir un impact sur la satisfaction de travail ou encore l’engagement organisationnel (Kammeyer-Mueller et al., 2005). Or l’affaiblissement de tels éléments est associé à davantage d’absentéisme et de démissions (Blau & Boal, 1989; Hom & Griffeth, 1991; Kammeyer-Mueller et al., 2005). Par conséquent, la résistance émotionnelle pourrait servir de protection face à de tels évènements et ainsi diminuer les chances de démission entre autres (Hudgins, 2016; Shatté, Perlman, Smith, & Lynch, 2017).

Qui plus est, la résistance émotionnelle peut aussi avoir un impact sur le bien être des employés. Notamment, elle offre un effet protecteur contre le stress et le burnout (Hao, Hong, Xu, Zhou, & Xie, 2015; Shatté et al., 2017). A terme, cela pourrait avoir des effets particulièrement bénéfiques pour l’organisation comme une performance accrue (Saunders, Driskell, Johnston, & Salas, 1996; Shatté et al., 2017; Vanhove et al., 2016) ou encore la diminution des coûts liés aux arrêts maladie (Klink, Blonk, Schene, & Dijk, 2001).

En somme, donc, la résistance émotionnelle se veut particulièrement utile pour mieux résister aux situations négatives lors du travail. Des employés présentant une forte résistance devraient donc être mieux amenés à répondre à des situations de crise ou même à diverses contraintes quotidiennes qui peuvent frapper l’organisation.


Le contenu des interventions pour une meilleure résistance émotionnelle

Avant de parler des moyens d’améliorer la résistance émotionnelle, il est encore important de parler de ce qui compose celle-ci. En effet, la résistance émotionnelle peut être vue comme un ensemble de caractéristiques plutôt qu'un concept à part.

A ce titre, Knight (2007) a élaboré un modèle particulièrement complet. Celui-ci est résumé dans la figure 1.


Figure 1

Structure de la résistance émotionnelle (Knight, 2007)


L’intérêt de connaître toutes ces composantes est de mieux orienter les interventions. En effet, il sera ainsi possible d’influencer la résistance émotionnelle plus ou moins indirectement en élaborant des interventions qui visent à améliorer d’autres composantes. Par exemple, s’il est question d’intervenir sur le leadership, il est possible de développer un style transformationnel qui présenterait plus d’empathie et de bienveillance envers les employés, mais aussi mieux communiquer des buts (Fitzgerald & Schutte, 2010). Améliorer de tels aspects devrait aussi améliorer la résistance émotionnelle des employés par la même occasion.

De manière générale cela dit, les interventions se concentrent essentiellement sur l’émotionnel. A ce titre, le programme PAR (Promoting Adult Resilience) propose un type d’intervention en 7 modules qui se concentrent justement sur des techniques de gestion des émotions (Foster et al., 2018). Ces modules sont :

  1. Reconnaître ses forces et comprendre ce qu’est la résistance émotionnelle
  2. Comprendre et gérer le stress
  3. Défier ses pensées négatives
  4. Créer de la force à partir des difficultés
  5. Soutenir les relations positives
  6. Gérer les conflits
  7. Créer des solutions pour développer le bien-être

Mis-à-part cela, nous souhaiterions mettre un certain accent sur le point numéro 5 qui considère l’aspect social. En effet, il peut être particulièrement intéressant de développer le tissu social pour améliorer la résistance émotionnelle (Vanhove et al., 2016; Wilks & Spivey, 2010). Il est également possible de faire preuve de créativité avec celles-ci, comme en créant des groupes partageant un même hobby par exemple (Macpherson, Hart, & Heaver, 2016).


Quelques aspects de forme de résistance émotionnelle

Hormis le contenu, d’autres aspects peuvent venir influencer le succès des interventions sur la résistance émotionnelle.

Une première considération importante concerne le public cible de l’intervention. En effet, il semblerait que les interventions portant sur un public bien précis tendent à avoir davantage d’effet que les interventions portant sur un public général (Vanhove et al., 2016). Autrement dit, les personnes à haut risque de stress bénéficient davantage de ces interventions. Par conséquent, il pourrait être particulièrement intéressant de procéder à une analyse des besoins avant de mettre en place une intervention. Cela permettrait donc de correctement identifier qui est le plus à risque et donc de maximiser le retour sur l’investissement (Arthur, Bennett, Edens, & Bell, 2003; Vanhove et al., 2016).

Ensuite, il faut considérer la forme de présentation de l’information. En effet, il semblerait que les approches individuelles (comme le coaching par exemple) tendent à donner les meilleurs résultats (Vanhove et al., 2016). Cependant, il ne faut pas pour autant jeter les approches en groupe qui montrent aussi des résultats significatifs (Vanhove et al., 2016).

Pour ce qui est des interventions qui passent par le biais informatique, en revanche, le constat n’est pas aussi consistant. Effectivement, les résultats de telles approches ne sont pas toujours significatifs (Vanhove et al., 2016). Cela dit, cela ne signifie pas pour autant que ces approches sont à jeter. En effet, en dehors du monde du travail, ces approches ont déjà fait leurs preuves (Rose et al., 2013). Il est donc possible que de tels résultats soient dus à des soucis de conception de l’intervention. Faire preuve de particulièrement de rigueur en concevant une intervention informatique semble donc primordial.


Les limites des interventions sur la résistance émotionnelle

Même si toutes ces considérations vous paraissent particulièrement intéressantes, il reste encore une considération de taille à prendre en compte avant de vous lancer à corps perdu dans la création d’une telle intervention : les interventions centrées sur l’amélioration de la résistance émotionnelle tendent à avoir des effets faibles (Vanhove et al., 2016).

Par effet faible, on entend que la majorité des interventions tendent à ne pas fortement améliorer la résistance émotionnelle ou à avoir un effet substantiel sur le bien-être des employés. Et ce en particulier sur le long terme (Vanhove et al., 2016).

A noter, cela dit, que cela ne signifie pas forcément qu’il n’existe pas de réel intérêt à intervenir sur la résistance émotionnelle. En effet, la majorité des travaux réalisés sur la résistance émotionnelle continue à concerner les mineurs et n’est pas forcément entièrement généralisable à une population adulte (Bonanno, 2004). Autrement dit, les résultats décevants des interventions sur la résistance émotionnelle au niveau organisationnel peuvent notamment être imputés à un manque d’information précise sur le sujet. Faire preuve de particulièrement de rigueur dans le développement et la mesure de ces interventions semble donc primordial.

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Références

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Blau, G., & Boal, K. (1989). Using Job Involvement and Organizational Commitment Interactively to Predict Turnover. Journal of Management, 15(1), 115-127. https://doi.org/10.1177/014920638901500110

Bonanno, G. A. (2004). Loss, Trauma, and Human Resilience: Have We Underestimated the Human Capacity to Thrive After Extremely Aversive Events? American Psychologist, 59(1), 20-28. https://doi.org/10.1037/0003-066X.59.1.20

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Foster, K., externe, L. vers un site, fenêtre,  celui-ci s’ouvrira dans une nouvelle, Cuzzillo, C., Furness, T., externe, L. vers un site, & fenêtre,  celui-ci s’ouvrira dans une nouvelle. (2018). Strengthening mental health nurses’ resilience through a workplace resilience programme: A qualitative inquiry. Journal of Psychiatric and Mental Health Nursing. http://dx.doi.org/10.1111/jpm.12467

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Tiago Pereira Gonçalves

Après avoir obtenu un Bachelor of Sciences (BSc) en psychologie à l’Université de Lausanne, Tiago Pereira Gonçalves a poursuivi ses études de Master en psychologie du travail et des organisations àl’Université de Neuchâtel. En plus de la psychologie, Tiago s’intéresse à de nombreux sujets tels que les voyages, le cinéma ou encore les jeux-vidéos. Intrigué par les caractéristiques qui rendent ces hobbys aussi attractifs, Tiago a pris l’habitude de se questionner sur comment prendre de telles caractéristiques et les adapter dans d’autres domaines tels que le travail ou la formation pour les rendre plus captivants. C’est cette curiosité qui l’a amené à écrire son mémoire de fin d’étude sur la Gamification et les Serious Games ainsi qu’à intégrer l’équipe de BetterStudy pour un stage de 6 mois en 2019.